La biodiversité "très sincèrement, tout le monde s'en fiche, à part quelques uns", s'était emporté en mars le ministre de la Transition écologique, avouant devant les députés sa "honte" de la responsabilité des hommes dans la disparition de la faune et de la flore de la planète.
Vendredi à Marseille, l'ancien militant doit lancer sa stratégie nationale de mobilisation pour la biodiversité, qui doit aboutir en juillet, après consultations, à un plan pour protéger un patrimoine français particulièrement riche, avec plus de 16.500 espèces endémiques (à 4/5e en outre-mer).
"L'idée est que la France prenne sa part de responsabilité, qu'on protège les écosystèmes, qu'on arrête d'empoisonner la nature, qu'on arrête d'artificialiser les sols", a-t-il expliqué cette semaine, évoquant "un certain nombre d'outils réglementaires".
L'artificialisation des sols a fait perdre depuis 2006 à l'agriculture et aux milieux naturels une surface équivalente au département de la Seine-et-Marne, selon l'Observatoire national de la biodiversité.
Si sur ce "sujet majeur", le futur plan dessiné d'ici l'été ne contient "rien ou des choses insuffisantes, ou sans moyen, ce serait un problème", a commenté Jean-David Abel, de l'ONG France Nature Environnement.
La FNE, comme d'autres associations, réclame également des réformes du modèle agricole, notamment la réduction de l'utilisation des pesticides, néfastes pour les insectes et par répercussion pour les oiseaux qui s'en nourrissent.
En mars, une étude choc du CNRS et du Muséum d'histoire naturelle avait ainsi montré un déclin "vertigineux" des oiseaux des campagnes: -60% de moineaux friquet en 10 ans, moins un tiers d'alouettes des champs en 15 ans...
"Du discours aux actes"
"C'est le révélateur d'une situation extrêmement grave, qui in fine met en péril non seulement la chaîne alimentaire mais sans doute aussi la présence de l'espèce humaine sur la planète", a déclaré à l'AFP Michaël Weber, président de la Fédération des parcs naturels régionaux de France.
"Il est urgentissime d'agir aujourd'hui avec des politiques volontaristes", a insisté l'élu local de Moselle, qui a lancé récemment avec d'autres responsables d'espaces protégés un "cri d'alarme" pour passer "du discours aux actes".
Mais alors que certaines mesures réclamées empiètent sur d'autres ministères, certains s'interrogent sur les marges de manoeuvre de Nicolas Hulot qui a relancé cette semaine les spéculations sur son avenir au gouvernement en annonçant qu'il ferait le point cet été sur sa capacité à mettre en place la "transformation sociétale" qu'il souhaite.
Si son ministère "travaille avec les différentes parties prenantes, monde agricole, ONG, et qu'il n'a pas les arbitrages au niveau du gouvernement, le ministre ne pourra rien annoncer, ni au niveau des moyens ni des ambitions concrètes", a noté Jean-David Abel.
Sans attendre le plan, Nicolas Hulot s'est penché depuis un an au chevet de deux espèces emblématiques: le loup et l'ours. Il a notamment récemment annoncé la réintroduction d'ici la fin de l'année de deux nouveaux plantigrades dans les Pyrénées, décision attendue depuis des années par les ONG mais dénoncée par les éleveurs.
Plus largement, le ministre voudrait "placer dans le radar de nos sociétés l'enjeu biodiversité au même niveau que l'enjeu climatique", parce qu'"on ne gagnera pas l'un sans l'autre".
Alors que certains observateurs regrettent que la biodiversité ait été un peu laissée de côté face climat, une réunion majeure de l'ONU est prévue en Chine sur le sujet en 2020.
Dans cette optique, la France espère faire entendre sa voix grâce au sommet du G7 qu'elle présidera en 2019. Et peut-être en 2020 au congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), connue pour sa liste rouge des espèces menacées: Marseille est la seule ville candidate pour l'organiser.
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