Dès qu'un appareil en répère une dont la fumée lui paraît suspecte, un deuxième drone plonge vers elle et la "renifle" avec ses capteurs ultrasensibles.
Le résultat apparaît en temps réel sur l'écran d'un ordinateur portable au sol et la police municipale frappe bientôt à la porte de ceux qui brûlent dans leur four soit du charbon de mauvaise qualité, soit des bouteilles en plastique, par exemple.
"La plupart des gens choisissent de payer immédiatement une amende plutôt que devoir aller au tribunal", explique à l'AFP le porte-parole de la police municipale de Katowice, Jacek Pytel. La sanction financière peut atteindre l'équivalent de 120 euros, une belle somme dans un pays où le salaire moyen avoisine 1.000 euros et où ceux qui brûlent n'importe quoi pour se chauffer sont de condition modeste.
A l'Est, pollué par les centrales à charbon, comme à l'Ouest, où les gaz d'échappement asphyxient les métropoles, l'Union européenne peine depuis des années à faire appliquer les limitations qu'elle s'est elle-même fixée en matière de qualité de l'air - pourtant pas si sévères, diront certains.
La Pologne a récemment été condamnée par la Cour de justice de l'UE pour ses dépassements fréquents et persistants des seuils limites de pollution et ne pas avoir proposé de mesures pour y remédier au plus vite. La Bulgarie a subi le même sort en 2017.
Malgré une législation détaillée, les pays de l'UE ont encore du mal à contrôler leur air. Sur le bureau de la Commission: pas moins de 33 dossiers d'infraction à des stades plus ou moins avancés. Vingt-trois des 28 membres de l'UE sont concernés, et plus de 130 villes dans toute l'Union. La grande majorité des litiges est relative aux particules fines (PM10).
Face aux manquements répétés, l'exécutif européen a décidé jeudi de renvoyer six Etats devant la justice de l'UE pour non-respect des limites d'émissions.
Batailles juridiques
A Bruxelles même, capitale de l'Union, la station de mesure de la pollution, située dans la rue séparant la Commission européenne du Conseil, se retrouve au centre des attentions.
L'artère est l'une des plus polluées de Bruxelles, selon l'ONG de juristes ClientEarth. Elle est au coeur d'une bataille juridique avec la région de Bruxelles, lancée par cette ONG et cinq habitants en septembre 2016, sur des stations de mesures de qualité de l'air qui n'ont pas fonctionné pendant des mois.
"Les citoyens et les ONG ont un droit à un air propre, indépendamment de toute action menée par la Commission européenne. Nous avons gagné devant des tribunaux britannique, allemand, italien, français et tchèque, où les juges ont ordonné l'adoption de plans sur la qualité de l'air plus efficaces et l'introduction de restrictions sur les véhicules diesel", souligne Ugo Taddei, avocat chez ClientEarth.
Les litiges ne portent pas tant sur le dépassement des limites que sur les propositions des Etats pour y remédier, alors que la pollution atmosphérique provoque des centaines de milliers de morts par an.
Le dioxyde d'azote (NO2), rejeté par les véhicules diesel, fléau des grandes villes, est responsable de 75.000 décès prématurés par an, selon les chiffres publiés en 2017 par l'Agence européenne de l'Environnement (AEE). Mais le principal danger, ce sont les particules très fines (PM2,5), à l'origine d'un peu moins de 400.000 morts prématurées par an, ces particules composées de poussière, de fumée, de suie ou de pollen.
"Culture du charbon"
A Katowice (sud de la Pologne), Marian Kramarczyk, un retraité de 89 ans souffrant de problèmes cardiaques, se lamente.
"Quand le smog arrive, je me sens mal, j'éternue, je tousse et mon coeur se met à battre de plus en plus fort", décrit-il.
Ici, le grand coupable est la "culture du charbon", considéré comme "l'or noir polonais", reconnaît Patryk Bialas, chef du mouvement apolitique local de défense de l'air pur, Katowicki Alarm Smogowy.
Dans le monde, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), un peu moins d'un tiers des décès du cancer du poumon sont liés à la pollution, un quart des accidents vasculaires, à peine moins pour les maladies du coeur.
Longtemps, la qualité de l'air a été associée à la protection de l'environnement. "Désormais, nous faisons clairement le lien avec la santé", expliquait récemment la directrice de l'OMS Maria Neira.
Un message adressé à l'opinion publique, peut-être moins sensibilisée dans les pays riches: "A Shanghaï, Pékin, New Delhi, les gens le ressentent. Ici (en Europe), la pollution est peut-être plus invisible".
Historiquement, la qualité de l'air s'est nettement améliorée dans l'UE, qui compte quelques "exemples de réussite", comme le recul spectaculaire des émissions d'oxydes de soufre, connues sous le nom de "pluies acides" (-72% depuis 2000).
"Les émissions diminuent en général mais pas au même rythme pour tous les polluants", relève Alberto Gonzalez Ortiz, expert pour l'AEE. Les émissions de particules très fines, si elles restent importantes, ont chuté d'un quart depuis le début du siècle.
Mobilisation
Les capitales se mobilisent. La France table -- à la faveur de son Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques -- sur seulement trois stations de mesures dépassant les valeurs limites de NO2 en 2030 (contre 49 en 2010 et 10 en 2020).
Parmi les "points noirs" en France: la Vallée de l'Arve, près de Grenoble, où la concentration des activités (habitations, industrie, transport) et le relief de fond de vallée limitent la dispersion des substances nocives. Là encore, la population est exaspérée: début mai, 14 habitants ont saisi la justice administrative pour faire condamner l'Etat pour "carence fautive".
La France fait partie des six pays renvoyés jeudi devant la Cour de justice européenne, avec l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni, la Hongrie et la Roumanie.
"Il faut maintenant comprendre pourquoi certains gouvernements et pas d'autres sont renvoyés devant la Cour. Les citoyens méritent de savoir ce qui est fait pour les protéger de l'air pollué", souligne Margherita Tolotto, du Bureau européen de l'environnement, ONG bruxelloise très remontée contre le "bloc toxique".
Une large majorité de pays ne respectent pas les règles, et pourtant elles sont moins strictes que celles de l'OMS sur les particules fines.
Selon l'AEE, entre 16% et 20% de la population des villes européennes ont été exposés à des niveaux nocifs de concentrations de particules fines (PM10) entre 2013 et 2015. Mais la proportion monte jusqu'entre 50% et 62% si on applique les directives de l'OMS.
Pour la vice-présidente du groupe social-démocrate au Parlement européen, Kathleen van Brempt, les Etats membres nagent en plein "paradoxe".
"Il est étrange qu'(ils) n'arrivent pas à atteindre les objectifs en matière de qualité de l'air, et que dans le même temps les (Etats membres) ne soutiennent pas le Parlement et la Commission quand ils ébauchent une législation ambitieuse sur les voitures, les bateaux ou les avions", déplore-t-elle.
"Le problème, ce ne sont pas les normes de qualité de l'air. Le problème, c'est que nous sommes trop laxistes sur les sources d'émissions. Et nous sommes trop mous pour nous assurer que la législation est respectée: voyez le Dieselgate", peste l'eurodéputé des Verts Bas Eickhout.
L'une des victoires judiciaires les plus significatives est venue d'Allemagne fin février. La justice a ouvert la voie à l'interdiction des vieux diesels à Stuttgart et Düsseldorf, et plus généralement dans les villes pollués par le dioxyde d'azote. Soit plus de 10 millions de véhicules diesels potentiellement visés sur 15 millions immatriculés en Allemagne.
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Pollution : où en est l'épisode, quelles sont les mesures déployées?
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