Sous un important déploiement sécuritaire, avec véhicules blindés et forces de l'ordre avec de nombreux effectifs, les Burundais ont afflué très tôt dans les 11.076 bureaux de vote, fortement incités en ce sens par les autorités.
Quelque 4,8 millions d'électeurs étaient appelés à s'exprimer sur cette réforme qui consacre définitivement la dérive autocratique du pouvoir observée ces trois dernières années.
Le bulletin de vote ne comporte pas de question. Seule apparaît la mention "référendum constitutionnel de la République du Burundi de mai 2018", avec les cases oui et non à remplir.
De longues files ont été observées en différents endroits. Dans la province de Ngozi (nord), d'où est originaire M. Nkurunziza, plusieurs centaines de personnes sont arrivées avant l'aube au centre de vote d'une école primaire, a constaté un photographe de l'AFP.
"Je suis venu à l'aube parce que j'étais impatient de voter pour le oui pour consolider l'indépendance et la souveraineté de notre pays", a déclaré à l'AFP un cultivateur d'une trentaine d'années, se présentant sous le nom de Miburo.
Vêtu d'un survêtement bleu et coiffé d'un chapeau de cowboy orange, le président Nkurunziza a voté dès 06h45 sur sa colline natale de Buye, en compagnie de son épouse.
Il a salué "l'engouement" de la population, venue participer "en masse" à ce référendum. Son responsable de la communication, Willy Nyamitwe, a lui aussi vanté, sur Twitter, l'entrain des Burundais, "impatients d'aller voter".
- Un enthousiasme peu spontané -
Cet enthousiasme est cependant loin d'être spontané. Selon un cadre du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, ses membres ont reçu pour consigne de se présenter très tôt aux bureaux de vote.
La coalition d'indépendants Amizero y'Abarundi (Espoir des Burundais), opposée à la réforme, a aussi accusé les responsables des bureaux de vote, tous membres du CNDD-FDD, d'entrer dans les isoloirs avec les électeurs et de les forcer à voter pour le oui.
Il y a "des intimidations de toute sorte et même des gens qui vont aux bureaux de vote et qui forcent les gens à voter contre leur propre gré", a accusé son chef, l'ancien leader rebelle hutu Agathon Rwasa.
Des Imbonerakure, la ligue de jeunesse du CNDD-FDD, qualifiée de milice par l'ONU et qui fait régner la terreur parmi la population, ont fait ouvertement campagne pour le oui et forcé des gens à voter de la sorte, selon des journalistes.
Si elle est adoptée, la Constitution autorisera M. Nkurunziza, 54 ans et au pouvoir depuis 2005, à briguer deux mandats de sept ans à partir de 2020. L'issue du vote ne fait guère de doute tant les voix discordantes ont été étouffées.
La campagne référendaire a été marquée par des enlèvements, meurtres et arrestations arbitraires, selon la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), qui a dénoncé une "campagne de terreur".
Le projet de révision a été condamné par la communauté internationale, dont l'Union européenne, premier donateur de ce pays, l'un des plus pauvres au monde, les États-Unis et l'Union africaine.
- "Référendum de malheur" -
Le Cnared, la principale plateforme de l'opposition en exil, a appelé au boycottage. A ses yeux, le texte, qui introduit des modifications d'ampleur, bouleverse l'architecture institutionnelle du pays, en signant "l'arrêt de mort" de l'accord de paix d'Arusha.
Signé en 2000, il avait ouvert la voie à la fin de la guerre civile (qui fit plus de 300.000 morts entre 1993 et 2006), en instaurant un système de partage du pouvoir entre les deux principales ethnies, Hutu et Tutsi. Il spécifie qu'aucun président ne peut diriger le Burundi plus de 10 ans.
Les partis d'opposition intérieurs et Amizero y'Abarundi ont appelé à voter non, craignant des représailles s'ils se prononçaient en faveur de l'abstention, plus que tout redoutée par les autorités.
"Je viens de voter non, bien sûr, car ce référendum de malheur vient enterrer le peu de démocratie qui restait dans ce pays", a expliqué à l'AFP un cadre du ministère de l'Intérieur.
Ce nouveau texte vise surtout à entériner la mainmise totale sur les institutions du CNDD-FDD et à concentrer encore plus le pouvoir exécutif dans les mains du président Nkurunziza.
Depuis sa candidature à un troisième mandat en avril 2015, contestée par l'opposition, la société civile et une partie de son camp, il a mené une répression brutale, qui a fait au moins 1.200 morts et plus de 400.000 réfugiés.
La Cour pénale internationale a ouvert une enquête sur ces exactions. Et l'opposition n'a de cesse de dénoncer la dérive absolutiste et mystico-religieuse d'un dirigeant qui dit avoir été choisi par la volonté divine.
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