Plus de 3,5 millions de réfugiés syriens sont enregistrés en Turquie, dont près de 500.000 à Gaziantep. Si la plupart bénéficient d'aides humanitaires fournies par Ankara et les donateurs internationaux, nombre d'entre eux travaillent.
Ils sont arrivés en Turquie avec leur expérience et leur clientèle. Certains ont (re)lancé leur propre entreprise, pour refaire leur vie ou poursuivre les affaires qu'ils menaient avant la guerre qui fait rage en Syrie depuis 2011.
Plus de 6.500 entreprises créées ou cofondées par des Syriens ont ainsi été enregistrées sur le sol turc depuis 2011, selon l'Union des chambres de commerce et des bourses de Turquie. En comptant le secteur informel, elles seraient en réalité plus de 10.000, estime le Syrian Economic Forum (SEF), voué au développement de l'entrepreneuriat au sein de la diaspora syrienne.
Dans un grand entrepôt installé dans la zone industrielle de Gaziantep, Amer Hadri a repris l'activité industrielle qu'il exerçait à Alep: "On produit des machines à fabriquer et emballer des chips depuis plus de 20 ans", explique-t-il à l'AFP.
"Avant, on exportait vers le monde arabe. Mais depuis qu'on s'est installé en Turquie, on a réalisé notre ambition d'exporter vers le monde entier", se félicite-t-il, dans son bureau de son entreprise Zirve, où trônent des paquets de chips de toutes les formes.
Sur les emballages de chips, figure la mention "Produit en Turquie", un "gage de qualité" pour les marchés européens, selon M. Hadri.
Rami Sharrack, directeur exécutif adjoint du SEF, confirme cette tendance à l'export: "A Gaziantep -mais c'est applicable à toute la Turquie-, plus de 95% de ce que produisent les Syriens est destiné à l'export."
Avantages à l'international
Plus de 1.250 entreprises syriennes sont enregistrées auprès de la chambre de commerce et d'industrie de Gaziantep, une ville idéalement située tout près de la Syrie, où atterrissent de nombreux produits fabriqués en Turquie.
Les Syriens contribuent ainsi à l'économie turque, estime-t-il. Ils l'ont fait croître de 3% en 2016, selon des experts cités dans un rapport de l'International Crisis Group de janvier 2018.
Aussi les autorités turques encouragent-elles les Syriens à se lancer dans les affaires, les autorisant même pendant un temps à ouvrir des commerces sans avoir à les enregistrer, souligne M. Sharrack. C'est "particulièrement" vrai pour "les plus petits" commerces, "comme les épiceries", renchérit Omar Kadkoy, chercheur associé au centre d'études TEPAV à Ankara.
Mustafa Türkmenoglu, un Turkmène d'Alep qui a quitté la Syrie il y a 5 ans, a créé une entreprise de textile à Gaziantep. "Tous les commerçants ont des revenus en dollars en provenance de l'étranger", souligne-t-il. "Nous en bénéficions, mais d'autres aussi."
Fatma Sahin, maire de Gaziantep, se félicite auprès de l'AFP de la collaboration entre entrepreneurs turcs et syriens: "Le fait qu'ils (les Syriens) parlent deux langues notamment, l'anglais et l'arabe, c'est un avantage important, en particulier pour le commerce international", explique-t-elle à l'AFP.
Règles suspendues
Outre ces grandes compagnies tournées vers l'export, certains entrepreneurs ont des ambitions plus locales.
Dania Abdulbaqi, une ingénieure venue de Hama en Syrie en 2013, a ainsi ouvert en 2016 une crèche accueillant des enfants de diverses nationalités, de 3 mois à 5 ans.
"Il y avait un besoin, on ne trouvait pas de crèche dans ce quartier d'affaires", où les mères qui travaillent sont désormais "près de leurs enfants et peuvent aller les voir ou les allaiter pendant leurs pauses", explique-t-elle.
Pour ce projet, Mme Abdulbaqi a suivi des formations en management grâce à des ONG à Gaziantep. Son mari a réuni des fonds auprès de proches pour le financer.
En théorie, pour chaque permis de travail délivré à un fondateur ou cofondateur étranger d'une entreprise en Turquie, celle-ci doit recruter au moins cinq Turcs. Et "aucune loi ne dit que les Syriens sont exemptés de cette règle, mais pour le moment, elle semble suspendue" en ce qui les concerne, relève le chercheur Omar Kadkoy.
M. Turkmenoglu, qui emploie 40 Syriens dans son atelier et 5 dans sa boutique, explique que les Turcs demandent des salaires plus élevés et sont plus exigeants en termes d'assurances.
Par ailleurs, malgré la délivrance depuis janvier 2016 de permis de travail pour les réfugiés syriens, moins d'1% de ces derniers en sont dotés aujourd'hui, alors que deux tiers sont en âge de travailler, selon M. Kadkoy, lui-même Syrien. Interrogés par l'AFP, plusieurs employés syriens travaillant sans permis mettent en cause des difficultés administratives. Mais M. Kadkoy souligne aussi la crainte de perdre les aides sociales s'ils entrent officiellement sur le marché du travail.
"C'est vrai qu'ils les perdront, mais les aides sociales ne dureront pas toujours", prévient M. Kadkoy. "Plus ils obtiendront vite un emploi formel, le mieux ce sera pour leur garantir un revenu sur le long terme".
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