Cinq ans après avoir déclenché le plus retentissant scandale du quinquennat de François Hollande, l'ancien pourfendeur de l'évasion fiscale s'est vu infliger pour fraude fiscale et blanchiment une peine de quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis, une amende de 300.000 euros et cinq ans d'inéligibilité.
"Ce n'est pas une victoire de la défense mais c'est une réelle victoire de la justice parce que cette décision est équilibrée", s'est félicité l'avocat de l'ex-ministre, Eric Dupond-Moretti. Jérôme Cahuzac "ne mérite pas la prison", a ajouté l'avocat, qui va immédiatement demander un aménagement de peine.
La loi permet pour toute peine allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement, et en l'absence de récidive, la possibilité d'un aménagement immédiat. Une demande qui pourra être acceptée ou rejetée par le juge d'application des peines.
A l'énoncé de la peine, Jérôme Cahuzac, 65 ans, était immobile, concentré. Il est resté muet et très calme en sortant de la salle, encadré de gendarmes, face aux nuées de caméras qui se pressaient autour de lui.
Pendant près d'une heure, le président Dominique Pauthe a lu les motivations de sa décision: "Ces agissements heurtent le principe républicain d'égalité des citoyens devant l'impôt, qui devrait être au centre des préoccupations d'un élu", a-t-il asséné.
Il a fustigé un ministre "menant la lutte contre la fraude fiscale" au nom de l'Etat "alors même qu'il conservait à son insu des avoirs à Singapour", où il avait transféré en 2009 quelque 600.000 euros de son compte suisse pour mieux les dissimuler au fisc.
"Persistance dans le mensonge"
Le président a longuement expliqué pourquoi la cour retenait la culpabilité de Jérôme Cahuzac, tancé sa "persistance dans le mensonge", lui infligeant une énorme amende à laquelle il avait échappé en première instance. Il a même affirmé que le "recours à l'emprisonnement (était) pleinement justifié", mais n'a pas dit pourquoi la justice décidait de lui offrir la possibilité d'échapper à la détention.
Il s'est borné à rappeler les demandes de la défense, qui avait demandé d'épargner la violence "inutile" d'un nouveau bannissement à un homme déjà "cassé".
Bien que frappant plus fort au portefeuille, cet arrêt constitue un revers pour le parquet national financier, né du scandale Cahuzac, et qui avait réclamé la confirmation des trois ans de prison ferme infligés en première instance, en 2016, pour une faute "d'une exceptionnelle gravité".
Après la révélation de son compte caché par le site d'information Mediapart fin 2012, le ministre avait nié pendant des mois, avant de finalement démissionner en mars 2013 et d'avouer en avril.
Devant la cour d'appel, Jérôme Cahuzac a concédé un "déni" persistant, mais gardé la même ligne de défense: c'est la volonté de constituer un trésor de guerre au profit du mouvement de l'ex-Premier ministre Michel Rocard, qui expliquerait l'ouverture d'un premier compte en Suisse en 1992. La suite relèverait d'une "fuite en avant".
Dans les années 90, il fallait placer l'argent qui coulait à flots de la florissante clinique d'implants capillaires gérée par le chirurgien et son épouse dermatologue. Ce sera plutôt la Suisse pour lui, l'île de Man pour elle. Les comptes de la mère du médecin servent aussi à blanchir les chèques des riches patients anglais. Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d'euros.
En appel, Jérôme Cahuzac s'est retrouvé seul face à ses juges, avec l'ex-avocat genevois Philippe Houman, qui a vu sa peine confirmée en appel. "Acteur essentiel du processus de dissimulation", l'homme d'affaires basé à Dubaï a été condamné à un an avec sursis et 375.000 euros d'amende pour avoir mis en place le montage financier pour le transfert d'avoirs à Singapour.
Les autres protagonistes de l'affaire, l'ex-épouse du ministre comme les banquiers suisses, avaient renoncé à faire appel et sont donc définitivement condamnés: Patricia Cahuzac à deux ans de prison et la banque genevoise Reyl & Cie à l'amende maximale de 1,875 million euros.
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