Deux jours après les législatives, les drapeaux bleus de "La marche pour les réformes" --alliance inédite entre ce leader populiste et les communistes, qui arriverait en tête selon des résultats partiels-- pavoisent encore cet immense quartier, où les poubelles s'entassent faute de ramassage et où les eaux usées se déversent dans les rues faute d'égouts.
Les services publics sont la préoccupation première des habitants de cet un îlot de pauvreté dans la capitale irakienne, déjà oublié et marginalisé sous le régime du dictateur Saddam Hussein, déchu en 2003.
"Aujourd'hui, on a enfin espoir", confie à l'AFP Ghassan Matar, non loin de la place que tout le monde ici la "Place du portrait".
En 2003, le portrait de Saddam Hussein qui y trônait a été mis à bas. Désormais on y trouve un immense poster qui rappelle les "deux Sadr martyrs", le père de Moqtada Sadr, Mohammed Sadeq Sadr, héraut d'un chiisme militant, et son cousin, Mohammad Baker, grand penseur chiite, tous deux assassinés par le régime de Saddam Hussein.
"Les gens sont fatigués, ils en ont assez", continue M. Matar, quadragénaire, chômeur et père de trois enfants qu'il peine à nourrir. "Ici, on est pauvres et on ne demande rien de plus que des services publics. L'électricité, on n'en a jamais eu pendant une journée complète", dit-il. "A part en période électorale".
Lui qui dit ne pas s'intéresser à la politique, aux alliances, pourtant parfois étonnantes comme celle des sadristes et des communistes, ni même aux pronostics sur le nom du prochain Premier ministre, pense malgré tout que "les manifestations ont porté leurs fruits".
Depuis juillet 2015, chaque semaine à travers tout l'Irak, les partisans du leader chiite et du parti communiste manifestent côte à côte contre la corruption. "Il faut la combattre, pour notre bien et pour le bien de l'Irak", dit M. Matar.
"On a gagné 5-0"
A Sadr City, bastion des mouvements chiites où la guérilla contre l'armée américaine avait été très dure après l'invasion de l'Irak, de nombreux combattants ont rejoint le Hachd al-Chaabi, des forces supplétives cruciales dans la victoire sur le groupe Etat islamique (EI).
En descendant d'un touk-touk, ces tricycles motorisés qui remplacent les taxis dans ce quartier surpeuplé et toujours animé, un jeune lance en riant "on les a battus 5-0", en allusion à l'avance confortable que donnent les résultats partiels à la liste de Moqtada Sadr et des communistes.
Selon ces chiffres, cette liste et son programme anticorruption arrivent en tête dans six des 18 provinces d'Irak, dont Bagdad, la plus peuplée, et en deuxième position dans quatre autres.
Dans la même rue, Salah Jamal, 24 ans, nettoie le trottoir devant la boutique de vêtements où il travaille. Selon lui, la liste des sadristes et des communistes doit envisager sérieusement de diriger le gouvernement.
"Si on veut changer les choses, il faut que le Premier ministre soit issu de +La marche pour les réformes+", dit-il à l'AFP.
"On les a tous essayés depuis 2005" et les premières élections multipartites en Irak, "mais on n'a vu aucun résultat", affirme-t-il, catégorique, en parlant des hommes politiques.
"N'essayez pas ceux que vous avez déjà essayés", lance-t-il encore, reprenant le slogan phare des sadristes. "On veut des nouveaux", ajoute-t-il.
"Ici, tout est en ruines", renchérit son ami Hussein Hamel, 23 ans. Maintenant, "on veut quelqu'un qui reconstruise notre quartier, on veut de l'électricité, de l'eau, des services de nettoyage, pour en finir avec ces années où tout s'est écroulé".
A Sadr City, dès que sont évoquées les élections législatives, les premières depuis la victoire sur les jihadistes, tous se mettent à sourire, les doigts levés pour former le "V" de la victoire.
Mais dans cet enthousiasme général, Haydar Jolani reste prudent.
Ce travailleur journalier de 25 ans prévient déjà les futurs députés: "Si +La marche pour les réformes+ ne répond pas à nos demandes, on va aller manifester contre eux, comme on a manifesté contre la corruption".
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