Selon ce document intitulé "CAC 40: des profits sans partage", réalisé avec le Bureau d'analyse sociétale pour une information citoyenne (Basic), "la France est le pays au monde où les entreprises cotées en Bourse reversent la plus grande part de leurs bénéfices en dividendes aux actionnaires".
Les groupes du CAC 40 ont ainsi redistribué à leurs actionnaires les deux tiers de leurs bénéfices entre 2009 - année de la crise financière mondiale - et 2016, soit deux fois plus que dans les années 2000, selon la même source.
Cela a conduit ces entreprises à ne laisser "que 27,3% au réinvestissement et 5,3% aux salariés", ont calculé les ONG, dénonçant des choix économiques qui nourrissent une "véritable spirale des inégalités".
"Les richesses n'ont jamais été aussi mal partagées depuis la crise au sein des grands groupes, qui choisissent délibérément une course aux résultats de court terme pour conforter les actionnaires et les grands patrons au détriment des salariés et de l'investissement", explique Manon Aubry, porte-parole d'Oxfam France.
Cette course est "tirée par des fonds d'investissement, des fonds spéculatifs qui cherchent juste la rémunération dans les six mois, dans l'année", a-t-elle souligné sur franceinfo, affirmant que le modèle français avait "pris le pas du modèle anglo-saxon pour même le dépasser".
Dans le détail, le sidérurgiste ArcelorMittal, l'énergéticien Engie et le leader mondial de la gestion de l'eau Veolia sont, dans l'ordre, ceux ayant les taux les plus élevés de redistribution des bénéfices en dividendes aux actionnaires, indique le rapport.
ArcelorMittal a reversé des dividendes entre 2012 et 2015, alors que le groupe affichait des pertes, et Engie et Veolia, deux entreprises où l'Etat est actionnaire, ont reversé plus de dividendes que ce qu'elles ont réalisé en bénéfices, selon les ONG.
"un vrai sujet"
Le rapport a suscité de vives réactions politiques sur Twitter. "Le partage des bénéfices des entreprises du CAC 40 entre 2009 et 2016 (...) illustre l'imposture absolue de la théorie du ruissellement chère à Emmanuel Macron. Voilà l'illustration de cette sécession des riches qu'encourage le nouveau pouvoir", a ainsi écrit Benoît Hamon, ancien candidat socialiste à la présidentielle, aujourd'hui à la tête de Génération-S.
Pour la France Insoumise, le rapport pointe une "exception française qui ne peut plus être tolérée: la richesse produite doit être partagée".
"On a un indice (le CAC 40, ndlr) qui distribue beaucoup de dividendes", convient Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest, un cabinet d'analyse de gouvernance et de politique de vote, qui indique avoir de plus en plus de clients investisseurs s'inquiétant de cette tendance et développant des politiques de distribution de dividendes responsables.
Mais le responsable émet quelques bémols sur le rapport: "pas mal d'entreprises françaises distribuent des dividendes en action", ce qui n'occasionne "pas de sortie de cash", observe-t-il notamment.
"La méthodologie d'Oxfam est très mauvaise", estime de son côté Patrick Artus, chef économiste chez Natixis et co-auteur d'un ouvrage intitulé "Et si les salariés se révoltaient?". Selon l'économiste, Oxfam ne s'intéresse qu'à la partie de la participation et de l'intéressement versés aux salariés, et ne tient pas compte de l'intégralité des salaires. Or, "en France, les salaires augmentent plus vite que la productivité", observe-t-il.
Autre problème, le rapport compare des données mondiales - les profits des multinationales - et des données françaises sur la participation et l'intéressement, critique l'économiste.
En outre, "les dividendes ne disent rien sur la rentabilité du capital par actionnaire", ajoute-t-il, soulignant qu'en France, les entreprises versent plus de dividendes que dans d'autres pays comme les Etats-Unis mais que le rendement du capital y est nettement plus faible.
Néanmoins, "il y a un vrai sujet qui est le partage des revenus entre les profits et les salaires, entre les salariés et les actionnaires", reconnaît M. Artus.
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