Empêché par la justice de diriger de nouveau la Catalogne, M. Puigdemont s'est résigné à passer le témoin, sans toutefois renoncer à son influence politique ni au défi lancé au gouvernement espagnol avec la déclaration d'indépendance restée lettre morte du 27 octobre.
D'où le choix de Quim Torra, 55 ans, un novice en politique, qui n'a pas fait allégeance à un parti mais est décidé comme lui à poursuivre le bras de fer engagé avec Madrid.
"Je veux qu'il soit bien clair que notre président est Carles Puigdemont, nous serons loyaux au mandat du 1er octobre de construire un Etat indépendant", a déclaré à la mi-journée Quim Torra à l'ouverture du débat d'investiture au parlement catalan. Le 1er octobre dernier, quelque deux millions de Catalans (sur un total de 5,5 millions d'électeurs) ont voté pour l'indépendance dans un référendum d'autodétermination interdit par Madrid.
Carles Puigdemont tentera d'être investi dès que sa situation judiciaire le lui permettra, a-t-il averti.
L'ex-président, qui s'est exilé après sa destitution, est poursuivi pour rébellion. ll est en liberté provisoire en Allemagne, où un tribunal doit se prononcer sur une demande d'extradition de l'Espagne.
Promettant de rétablir certaines lois catalanes suspendues par la justice et de lancer la rédaction de la Constitution de la future république catalane, M. Torra, très offensif, a dit ne "renoncer à rien" des efforts vers l'indépendance, promettant "d'assumer la responsabilité de nos actes".
M. Torra a fait part de son intention d'"internationaliser le problème catalan", interpellant en anglais la Commission européenne, regrettant "le silence inacceptable" de l'Union européenne sur la crise catalane.
Il s'est toutefois dit "disposé à dialoguer dès demain, sans conditions" avec le gouvernement de Mariano Rajoy.
Celui-ci a vivement réagi au discours d'investiture: "Ce que nous avons vu et entendu ne nous a pas plu (...) Mais nous le jugerons sur ses actes", a-t-il déclaré.
Il a déjà averti que l'article 155 de la Constitution, utilisé pour mettre la Catalogne sous tutelle, "pourrait resservir au besoin" si le prochain exécutif catalan ne respectait pas la loi.
Dans un communiqué au ton virulent, le gouvernement a qualifié de "sectaire et porteur de division" le discours de M. Torra, tout en accusant Carles Puigdemont, en nommant un tel successeur, "de faire primer l'intérêt personnel d'un individu sur l'intérêt général de tous les citoyens".
'Huile sur le feu'
"L'indépendantisme a perdu aujourd'hui une grande opportunité, (celle d'avoir) un candidat qui reconnaisse ses erreurs", a déclaré Inès Arrimadas, la dirigeante du parti de centre droit Ciudadanos, qui a obtenu le plus de voix aux dernières élections régionales, accusant Torra de jeter "de l'huile sur le feu".
"Vous avez complètement accepté la subordination à celui qui croit être le président légitime", a critiqué le chef du parti socialiste catalan Miquel Iceta.
Après les débats, le parlement procèdera dans la soirée à un premier vote, que Torra a peu de chances d'emporter car il lui faudrait la majorité absolue.
Lundi, le second tour à la majorité simple pourrait déboucher sur l'élection de l'indépendantiste à une courte majorité.
Quim Torra peut compter sur 66 voix pour - 65 se prononceront contre -, mais doit s'assurer de l'abstention des quatre députés du parti indépendantiste d'extrême gauche Candidature d'unité populaire (CUP), qui ne voulait voter que pour Carles Puigdemont.
Son discours pourrait servir à convaincre ce petit parti radical, qui doit arrêter sa position dimanche. Mais la CUP pourrait aussi être tentée de bloquer l'investiture et provoquer de nouvelles élections car un sondage publié cette semaine lui promet 11 sièges de députés contre 4 actuellement en cas de retour aux urnes.
Si Torra réussit à être investi, la Catalogne récupèrera son autonomie après des mois de blocage politique.
Madrid a placé la région sous tutelle fin octobre, après avoir destitué M. Puigdemont et son gouvernement dès la déclaration unilatérale d'indépendance et convoqué de nouvelles élections, remportées par les séparatistes.
Après avoir insisté pour se fare élire depuis l'étranger ou présenté des candidats poursuivis comme lui par la justice, Carles Puigdemont a accepté de céder la place pour éviter un nouveau retour aux urnes, à dix jours de l'expiration du délai pour former un gouvernement, le 22 mai.
Mariano Rajoy a averti que l'article 155 de la Constitution, utilisé pour mettre la Catalogne sous tutelle "pourrait resservir au besoin" si le prochain exécutif catalan ne respectait pas la loi.
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