Près de 24,5 millions d'Irakiens élisaient les 329 députés du futur Parlement, dans un climat de tension régionale. Washington et Téhéran sont à nouveau à couteaux tirés après la décision du président américain Donald Trump de se retirer de l'accord nucléaire avec la République islamique.
Par lassitude, les électeurs ne semblent pas s'être déplacés en grand nombre. A Bassora, la deuxième ville la plus peuplée du pays, en milieu d'après-midi, les autorités avançaient un taux de participation de 19%.
Les inscrits ayant voté, eux, affichaient leur désir de changement pour remettre sur pied le pays en lambeaux après trois ans de guerre contre le groupe Etat islamique (EI).
Quelle que soit leur confession ou leur province, nombre d'Irakiens affirmaient voter pour chasser les "requins de la corruption" alors que la tâche principale du nouveau Parlement sera de superviser la reconstruction du pays.
L'Irak a obtenu en février 30 milliards de dollars d'engagements internationaux pour cet objectif, mais les Irakiens craignent que cet argent finisse dans les poches des politiciens.
"J'ai voté pour un candidat qui ne s'est jamais présenté, j'espère que ces nouveaux répondront aux souhaits des Irakiens qui souffrent de la corruption depuis 15 ans", affirme Mohammed Jaafar, 80 ans, dans la province de Diwaniyah, au sud de Bagdad.
A Mossoul, l'ancienne "capitale" irakienne de l'EI dans le Nord, aujourd'hui partiellement en ruines, Omar Abed Mohammed, chômeur de 32 ans, a également voté "pour changer les visages de ceux qui ont conduit à la destruction du pays".
"Confessionnalisme et corruption"
Dans la capitale, où la police bloquait les rues menant aux bureaux de vote, Sami Wadi, un retraité de 74 ans du quartier de Karrada, a fait son devoir électoral "pour sauver le pays du confessionnalisme et de la corruption".
Mais les politiciens ont la peau dure et pour ne pas être délogés, ils se sont inscrits en tête de liste ce qui les assurent d'être élus. Les sièges sont attribués proportionnellement au nombre de voix et les candidats élus en fonction de leur position sur les listes.
Les 9.619 bureaux de vote fermeront à 18H00 (15H00 GMT) pour un scrutin qui doit départager 87 listes. Les premiers résultats devraient être connus au plus tôt mardi.
Si la plupart des dirigeants ont voté dans la "zone verte", secteur ultra protégé de la capitale où ils résident, le Premier ministre s'est fait un point d'honneur de voter à Karrada, son quartier.
Il doit faire face à plusieurs rivaux car pour la première fois, les partis chiites se présentent en rangs dispersés en raison d'une lutte pour le pouvoir entre les hommes forts de cette communauté, majoritaire en Irak.
Face à lui, figurent son prédécesseur Nouri al-Maliki -qui n'a pas digéré d'avoir été écarté en 2014- et Hadi al-Ameri, un proche de l'Iran qui a même combattu sous son drapeau dans la guerre avec l'Irak (1980-1988).
Ce dernier est à la tête d'une liste regroupant les anciens du Hachd al-Chaabi, ces supplétifs cruciaux pour chasser l'EI.
Figurent aussi les listes des représentants de deux lignées de hauts dignitaires religieux: celle d'Ammar al-Hakim et celle du leader populiste Moqtada Sadr, qui a conclu une alliance inédite avec les communistes.
La parcellisation des chiites ne devrait toutefois pas changer l'équilibre des forces entre communautés, dans un système calibré pour qu'aucune formation ne soit en position dominante afin d'éviter le retour à la dictature.
C'est au moment de la formation du gouvernement que l'Iran, avec les forces qui lui sont acquises, et les Etats-Unis, qui ont joué un rôle déterminant dans la lutte contre l'EI, devraient manoeuvrer pour empêcher que l'Irak tombe dans le camp de l'autre.
Baisse des violences
Autre nouveauté: les Kurdes risquent de perdre au moins une dizaine de sièges sur les 62 de la législature précédente et leur statut de faiseurs de rois.
En rétorsion au référendum d'indépendance de septembre, Bagdad leur a repris les zones disputées dont la province pétrolière de Kirkouk.
Les dirigeants kurdes ont ainsi appelé à l'unité: "Si nous ne sommes pas unis, nous n'aboutirons à rien", a prévenu le Premier ministre du Kurdistan Netchirvan Barzani.
Enfin la minorité sunnite, qui a dominé le pays jusqu'à la chute de Saddam Hussein il y a 15 ans, devrait rester marginalisée.
Contrairement aux trois scrutins organisés depuis l'invasion emmenée par les Américains en 2003, cette campagne électorale n'a pas été accompagnée de violences malgré les menaces des jihadistes, très affaiblis.
Signe que la sécurité s'est nettement améliorée, selon Iraq Body Count, le nombre des victimes civiles a baissé les quatre premiers mois de 2018 de 73% par rapport à l'an dernier.
Samedi, les autorités ont même levé à la mi-journée la fermeture de l'espace aérien et des frontières ainsi que l'interdiction de circuler, appliquées lors des précédents scrutins.
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