"Il est temps que l'Europe passe des paroles aux actes en matière de souveraineté économique", pour se défendre face aux sanctions que les Etats-Unis veulent appliquer aux entreprises étrangères travaillant en Iran, a estimé le ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, sur Europe 1.
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a jugé pour sa part dans un entretien au Parisien que ces sanctions, de portée extraterritoriales, étaient "inacceptables".
Plusieurs entreprises européennes ont fait les frais ces dernières années de ce type de condamnations, permettant à Washington de sanctionner des entreprises étrangères travaillant avec des pays sous embargo, à partir du moment où elles commercent aussi avec les Etats-Unis ou utilisent le dollar dans leurs transactions.
La banque française BNP Paribas a ainsi dû verser 8,9 milliards de dollars pour avoir enfreint les sanctions contre l'Iran et d'autres pays. Les banques allemandes Commerzbank et Deutsche Bank ont elles aussi écopé en 2015 d'amendes s'élevant respectivement à 1,45 milliard de dollars et 258 millions de dollars.
"vassalisation"
"Est-ce que nous acceptons la vassalisation de l'Europe en matière commerciale? La réponse est non", a insisté M. Le Maire lors d'un point presse organisé à l'occasion d'une visite en France de son homologue néerlandais Wopke Hoekstra.
Avant même de recevoir "fin mai" ses homologues britannique et allemand pour voir les moyens de riposter, le ministre a indiqué qu'une "feuille de route" contenant "trois propositions très concrètes" était d'ores et déjà prête.
"La première réponse, c'est le règlement de 1996, un règlement européen qui permet de condamner les sanctions extraterritoriales", qui pourrait être renforcé et adapté au nouveau contexte international, a-t-il déclaré.
Créée pour contourner l'embargo sur Cuba, cette loi dite "de blocage" permet aux entreprises et tribunaux européens de ne pas se soumettre à des réglementations sur des sanctions prises par des pays tiers et stipule qu'aucun jugement décidé par des tribunaux étrangers sur la base de ces réglementations ne saurait s'appliquer dans l'UE. Elle n'a toutefois jamais été appliquée.
Autre piste, "doter l'Europe d'instruments financiers" lui permettant d'être indépendante face aux Etats-Unis. Selon l'entourage de M. Le Maire, l'idée serait de contourner le système bancaire international Swift, par lequel passent plus de 90% des transferts de fonds internationaux et qui est essentiellement contrôlé depuis les Etats-Unis.
Enfin, le ministre a évoqué l'existence d'"un bureau de contrôle des actifs étrangers qui permet au ministre des Finances américain de suivre les activités des entreprises étrangères qui ne respecteraient pas les décisions américaines, de les condamner et les poursuivre".
"Pourquoi ne nous doterions-nous pas en Europe du même type de bureau européen capable de regarder les activités des entreprises étrangères et de vérifier qu'elles respectent les décisions européennes?", a-t-il suggéré.
"Prise de conscience"
Ces propositions peuvent-elles remporter l'adhésion des Etats membres de l'Union européenne? Pour l'heure, aucun poids lourd européen n'a ouvertement remis en cause la politique d'extraterritorialité américaine.
Mais selon M. Le Maire, qui s'est entretenu ces deux derniers jours avec plusieurs homologues de l'UE, "il y a une vraie prise de conscience de tous les Etats européens". Avec "tous nos alliés européens, nous discutons collectivement", a-t-il assuré.
Si les grands pays européens semblent de fait unanimes à vouloir s'émanciper de l'allié américain, jugé incontrôlable, rien ne garantit cependant que l'offensive lancée par Paris sera couronnée de succès, au vu des divergences d'intérêts entre les Etats membres.
Ces derniers mois, plusieurs initiatives économiques ont été lancées par la France, que ce soit pour la création d'un budget de la zone euro ou pour la mise en place d'une taxation plus juste des géants du numérique. Sans succès, jusqu'à présent.
Face au risque d'immobilisme, le président français Emmanuel Macron a critiqué jeudi les atermoiements allemands sur les réformes en Europe. "N'attendons pas, agissons maintenant!", a-t-il exhorté.
Une injonction qui a reçu une réponse polie d'Angela Merkel: "nous avons des cultures politiques et des manières d'approcher les sujets européens différentes", a déclaré la chancelière allemande.
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