La crise diplomatique ouverte par l'annonce du retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien va peser sur la cérémonie de remise du prix Charlemagne, décerné au président français pour "sa vision forte pour une nouvelle Europe".
C'est la chancelière allemande qui a été désignée pour faire l'éloge européen du jeune chef d'Etat, un an après son entrée en fonction.
Mais, dès son arrivée mercredi soir dans la capitale de l'empereur Charlemagne, Emmanuel Macron a donné le ton du débat.
"Moment historique"
"Nous sommes à un moment historique pour l'Europe", a-t-il déclaré moins de 24 heures après l'intervention choc de Donald Trump.
L'Europe est désormais "en charge de garantir cet ordre multilatéral que nous avons créé à la fin de la Deuxième Guerre mondiale et qui est parfois aujourd'hui bousculé", a-t-il ajouté dans une interview à la télévision publique allemande.
Sur le dossier iranien, les Européens font jusqu'à présent bloc face à Washington. Paris et Berlin ont ainsi vite réagi avec Londres mardi soir pour "regretter" la décision de Donald Trump, qu'ils n'ont pas réussi à faire changer d'avis.
Sur l'Iran, "l'Europe a une occasion unique pour faire entendre une voix unique. On va voir si elle va la saisir", relève Bertrand Badie, professeur à Sciences Po Paris.
L'inquiétude est palpable des deux côtés du Rhin. Le président allemand Frank-Walter Steinmeier s'est ainsi récemment déclaré "réellement inquiet" de la tournure des relations transatlantiques depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Pour Paris, la crise sur l'Iran peut être considérée comme un test de la volonté d'établir la "souveraineté européenne" qu'Emmanuel Macron ne cesse d'appeler de ses voeux dans ses discours sur "la refondation" de l'Union européenne.
Malgré l'intérêt qu'elles suscitent, ses propositions peinent à enclencher une phase dynamique. Notamment en raison de la tiédeur des réactions en Allemagne, où les idées de créer un budget de la zone euro ou un poste de ministre des Finances de l'Union monétaire font craindre de devoir payer pour les autres pays.
"Opportunité"
"L'Allemagne va avoir à formuler d'ici au mois de juin sa réponse, c'est celle-ci que j'attends et j'espère beaucoup de la chancelière et de son gouvernement pour être à la hauteur de ce moment historique", a déclaré Emmanuel Macron à la télévision publique allemande.
Il a pu se réjouir de propos du ministre allemand de l'Economie, Peter Altmeier, pour lequel la période qui s'ouvre représente "la plus grande fenêtre d'opportunité" pour faire avancer l'intégration européenne "depuis les années 1990", celles de François Mitterrand et Helmut Kohl.
M. Altmeier prévoit, dans un entretien publié mercredi par le quotidien français Les Echos, qu'un "compromis" sera trouvé entre Paris et Berlin sur les sujets qui fâchent. Mais, avertit-il, "nous sommes opposés à une harmonisation de la dette publique en Europe" et à "une union de transfert" financiers.
Accueilli chaleureusement mercredi à Aix-la-Chapelle, Emmanuel Macron a appelé les Allemands à changer leur regard sur la France.
"Je veux que tout le monde aie pleinement en tête que la France d'aujourd'hui n'est plus celle d'il y a un an. Parfois, dans le débat allemand, que je suis avec beaucoup d'attention, on n'a pas tout le temps intégré que la France avait profondément changé", a-t-il dit.
Une dizaine de dirigeants européens assisteront à la remise du prix Charlemagne, dont les Premiers ministres roumain, bulgare, luxembourgeois, la présidente de Lituanie ou le roi d'Espagne. La plupart d'entre eux se retrouveront la semaine prochaine à Sofia pour un sommet UE-Balkans, où le dossier du nucléaire iranien a été ajouté au menu des discussions.
Accompagné de son épouse Brigitte, Emmanuel Macron débattra jeudi après-midi avec un millier d'étudiants d'Aix-la-Chapelle, l'un de ses exercices préférés lorsqu'il est en déplacement à l'étranger.
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