Cinq managers de haut rang ont récemment quitté l'entreprise, a confirmé à l'AFP mercredi une porte-parole. Parmi eux, une femme, Helen Kim, qui était vice-présidente des activités pour le nord-est en Amérique du Nord.
"C'est la preuve que le problème général relève du harcèlement moral ou de comportements abusifs sur le lieu du travail, et qu'il fait fi du sexe et de la couleur de peau. C'est juste de la cruauté", avance le Dr Gary Namie, qui a créé un institut spécialisé sur le mal-être au travail, Workplace Bullying Institute.
Les départs sont, d'après une source proche du dossier, la conséquence des premières conclusions d'une enquête interne, lancée en mars, après la libération de la parole d'employés dans le sillage du mouvement #MeToo né du scandale Harvey Weinstein. Nike dispose d'un règlement anti-harcèlement.
Ras-le-bol
Au moins onze hauts dirigeants ont quitté Nike depuis mars, dont Trevor Edwards, un Afro-Américain, président de la marque Nike et considéré comme le successeur de Mark Parker, le PDG actuel.
En interne, M. Edwards, qui a passé plus de 25 ans chez Nike, était réputé pour humilier ses subordonnés lors de réunions publiques.
Tout est parti du ras-le-bol d'un groupe de salariées, qui a fait circuler un sondage interne révélant des abus et des inégalités hommes-femmes en matière de promotion.
Cette enquête, qui rassemblait les témoignages d'employés femmes et hommes, dénonçait de façon générale la culture "macho" de l'entreprise, une sorte de "boys club", et l'inertie du département des ressources humaines.
Certains font état de sorties de bureau entre collègues se terminant dans des clubs de strip-tease, de managers hommes se vantant d'avoir des préservatifs dans leur sac, des commentaires sur les seins d'une salariée écrits dans un courriel adressé à l'intéressée, une récurrence de remarques désobligeantes et humiliantes.
Une employée a confié au New York Times que son supérieur hiérarchique l'avait traitée de "salope stupide" mais n'avait pas été sanctionné malgré le fait qu'elle avait rapporté l'incident à la DRH.
Interrogé par l'AFP, Nike n'a pas souhaité s'exprimer.
"Nous avons tous une obligation -- non négociable -- de créer un environnement et une culture de respect et d'inclusion", a déclaré le 3 mai le PDG Mark Parker aux employés.
"C'est son régime. C'est sa culture d'entreprise", fustige Gary Namie, qui insiste sur le fait que les abus dénoncés ont été commis sous le règne de M. Parker et exhorte le grand patron à en tirer les conséquences.
Silence des stars du sport
L'impact financier est infime pour l'instant: l'action n'a pas été affectée en Bourse, les initiatives de boycott lancées sur les réseaux sociaux n'ont pas pris.
"Il est possible qu'on puisse observer un impact sur les ventes à court terme", estime cependant Victor Ahluwalia, expert chez CFRA Research, d'autant que la vague de départs coïncide avec l'offensive de Nike auprès des femmes via le concept "Nike Unlaced".
La marque doit par ailleurs trouver de nouveaux talents, "ce qui ne sera pas facile", avance Sam Poser, analyste chez Susquehanna Financial Group.
Aucun des prestigieux ambassadeurs de Nike -- les joueuses de tennis Serena Williams et Maria Sharapova, le basketteur LeBron James, le footballeur Cristiano Ronaldo -- ne s'est encore exprimé sur le sujet.
Cette affaire est un cinglant revers pour Nike, dont le célèbre slogan "Just do It" est censé inciter des millions de jeunes à travers le monde à poursuivre leurs rêves.
L'équipementier s'est en outre donné une image "cool", progressiste et de défenseur des valeurs d'égalité et de justice, comme l'atteste une campagne de février.
La direction a reçu plus de 43.000 réponses à son enquête et a commencé à procéder à des changements. Elle a promu récemment deux femmes à de hautes fonctions, Amy Montagne et surtout Kellie Leonard, élevée responsable de la diversité et de l'intégration.
Actuellement seuls 38% des managers sont des femmes et quelque 23% sont non-caucasiens.
Le groupe de Beaverton (Oregon, nord-ouest) promet également de revoir les formations des managers, de modifier ses procédures d'embauche et d'instaurer des entretiens d'évaluation individuels de façon régulière.
"Les départs de dirigeants marquent un virage important dans l'approche du management et augurent d'un changement de pratiques mais il est encore prématuré de l'affirmer", estime David Yamada, professeur de droit du travail à l'Université Suffolk à Boston.
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