Le président des Etats-Unis a bien orchestré son annonce, précipitée pour coïncider, mardi, avec une "bonne nouvelle" pour la diplomatie américaine: la visite surprise de son secrétaire d'Etat Mike Pompeo en Corée du Nord afin de préparer son sommet à venir avec Kim Jong Un et obtenir la libération de trois prisonniers américains.
Le message est clair. Donald Trump pense que la "campagne de pression maximale" mise en place contre Pyongyang, mélange de sanctions internationales drastiques et de menace militaire porté par son propre discours musclé, a poussé le dirigeant nord-coréen à accepter de négocier une "dénucléarisation".
Il semble donc vouloir réitérer son "coup" avec l'Iran, en rétablissant toutes les sanctions levées en échange de l'engagement de Téhéran à ne pas se doter de la bombe atomique et en laissant planer la menace de nouvelles mesures punitives.
Objectif affiché par son conseiller à la sécurité nationale John Bolton: "Mettre le plus de pression économique possible sur l'Iran" afin d'obtenir un meilleur accord que celui jugé "désastreux" par le président américain, et aussi pour mettre fin aux activités "déstabilisatrices" de Téhéran au Moyen-Orient.
C'est la mise en musique de sa "doctrine" officielle: "la paix par la force".
Seulement, si tant est que l'ouverture nord-coréenne porte ses fruits, les situations ne sont pas comparables. La Corée du Nord est déjà à un stade avancé pour être une puissance nucléaire, tandis que l'Iran s'était justement engagé par écrit à ne pas suivre cette voie.
Et si Washington a réussi à coaliser la communauté internationale contre Pyongyang, il se met à dos ses plus proches alliés européens en claquant la porte de ce compromis avec la République islamique arraché de haute lutte en 2015.
"Doctrine de la patate chaude"
Sans l'appui de l'Europe, "toute la pression économique que pourront exercer les Etats-Unis sur l'Iran sera moins forte qu'avant l'accord", notent dans une récente tribune dans le Washington Post Vipin Narang du Massachusetts Institute of Technology et Colin Kahl de l'université de Stanford.
Surtout, "que veut exactement obtenir l'administration Trump?", s'interroge Patrick Clawson, du Washington Institute for Near East Policy, doutant que sa décision réponde à "une stratégie structurée et documentée".
"Les Européens découvrent progressivement la doctrine +de la patate chaude+ qui guide Trump", explique Célia Belin, de la Brookings Institution. "Il ouvre de nouveaux fronts diplomatiques, en bousculant des situations souvent stables et en ouvrant des phases d'incertitude et d'instabilité dans le système international, tout en laissant à d'autres, amis ou rivaux, le soin d'avancer des solutions."
A moins que, glisse-t-elle, l'administration Trump n'ait en fait comme vrai objectif de parvenir à "un changement de régime" à Téhéran.
Deux petites phrases ont instillé cette idée, chargée de symboles depuis l'intervention de 2003 en Irak pour renverser Saddam Hussein, aujourd'hui largement considérée comme une erreur, y compris par Donald Trump.
D'abord celle de Rudy Giuliani, son avocat personnel, qui devant des opposants iraniens en exil a fait l'éloge le week-end dernier d'un président "dur" qui est "déterminé à aboutir à un changement de régime".
Puis celle du président lui-même qui, dans son discours mardi, a menacé le "régime" de "problèmes beaucoup plus gros que jamais" tout en estimant que le peuple iranien "mérite une nation qui rende justice à leurs rêves".
Veut-il donc faire tomber le régime né de la Révolution islamique de 1979, à la suite de laquelle les relations américano-iraniennes ont été rompues? "Oh, je suis sûr qu'il adorerait", répond Robert Malley, ex-conseiller de Barack Obama et actuel président de l'International Crisis Group.
Dans un entretien avec l'AFP, il relève qu'autour de M. Trump, John Bolton et Mike Pompeo, deux "faucons" qu'il vient de nommer à des postes-clés, "n'ont jamais fait mystère de leur certitude que la seule manière de changer la situation est de changer le régime voire d'intervenir militairement".
Et à Téhéran, ajoute-t-il, le guide suprême Ali Khamenei "a certainement entendu Rudy Giuliani" et a probablement interprété l'annonce de Donald Trump "comme la première salve d'une tentative de saper voire de renverser le régime".
A LIRE AUSSI.
Sous Trump, l'Amérique d'abord mais de plus en plus seule
Le chef de la diplomatie française à Téhéran: nucléaire et Syrie au menu
Trump aura du mal à "déchirer" l'accord sur le nucléaire iranien
Climat tendu pour le chef de la diplomatie française à Téhéran
- ali khamenei
- annonce de donald trump
- barack obama
- brookings
- changement de régime
- corée du nord
- Donald Trump
- Etats-Unis
- europe
- haute lutte
- Irak
- iran
- john bolton
- kim jong-un
- ligne dure
- massachusetts
- moyen-orient
- objectif affiché
- prisonniers américains
- proches alliés
- pyongyang
- rudy giuliani
- saddam hussein
- sanctions internationales
- sécurité nationale
- stanford
- téhéran
- visite surprise
- Washington
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.