Ce coûteux voyage est depuis plus d'un an au cœur d'une enquête pour des soupçons de favoritisme chez Business France, agence de promotion de l'économie française à l'étranger dont Muriel Pénicaud était directrice générale.
Le 6 janvier 2016, Emmanuel Macron, ministre de l'Économie qui cachait de moins en moins ses ambitions présidentielles, avait rencontré des entrepreneurs français au Consumer Electronics Show (CES), grand-messe de l'innovation technologique.
L'opération avait été montée en urgence par Business France. Seulement, la quasi-totalité des prestations aurait été confiée à Havas sans passer par un appel d'offres, en infraction avec le code des marchés publics. L'agence de communication avait perçu 289.019 euros, après renégociation.
Les enquêteurs cherchent à déterminer si Muriel Pénicaud a pu être informée en amont de ces éventuels dysfonctionnements, ce qu'elle a toujours nié.
Selon son cabinet, qui confirmait une information mardi du Canard Enchaîné, la ministre est convoquée pour être placée sous le statut de témoin assisté. Ce choix, intermédiaire entre simple témoin et la mise en examen, signifie que les juges disposent de preuves mais n'ont pas à cet instant d'"indices graves et concordants" contre elle.
En mars 2017, après un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) transmis par Bercy, le parquet de Paris a ouvert dans la foulée une enquête pour "favoritisme et recel de favoritisme", confiée depuis le 7 juillet à trois juges d'instruction, dont Renaud Van Ruymbeke.
Malgré cette épée de Damoclès, Muriel Pénicaud a été nommée deux mois plus tard ministre du Travail et chargée de mettre en œuvre le premier défi du quinquennat: les ordonnances réformant le droit du travail.
Cette ancienne DRH de Danone, déjà cibles de critiques pour une plus-value réalisée deux mois après un plan de départ volontaires, s'est retrouvée alors un peu plus fragilisée par les révélations de l'enquête, qui ne l'ont pourtant pas empêchée de mener cette réforme.
Son audition interviendra une semaine avant l'arrivée en commission à l'Assemblée de son vaste projet de loi formation/assurance chômage/apprentissage, déjà présenté fin avril en conseil des ministres.
"Secret"
Muriel Pénicaud assure depuis le début de l'affaire avoir été mise au courant d'éventuels dysfonctionnements un mois après l'organisation de l'événement et avoir immédiatement diligenté un audit externe indépendant auprès du cabinet EY.
Mais son ancienne directrice de la communication, Fabienne Bothy-Chesneau, a livré une autre version aux enquêteurs.
Elle a expliqué que, si elle avait été chargée de mettre en œuvre la soirée, elle ne disposait d'aucun pouvoir décisionnaire, ajoutant qu'à partir de fin novembre 2015, soit plus d'un mois avant l'événement, ce dernier avait été évoqué de manière continue avec Muriel Pénicaud.
Entendue par les juges le 21 septembre, Mme Bothy-Chesneau en est ressortie sous le statut de témoin assisté.
Muriel Pénicaud est aussi soupçonnée de n'avoir averti son conseil d'administration que plusieurs mois après les rapports d'EY et de lui avoir communiqué une présentation tronquée de ces documents qui ne laissaient guère de doutes sur "le risque pénal" encouru.
Dans sa note juridique, EY n'exclue pas que la "responsabilité" pénale de la ministre "soit envisagée", même si sa "participation personnelle dans le cadre du marché (...) n'a pas été identifiée".
Le Canard enchaîné affirme que les enquêteurs disposent aussi de nombreux courriels témoignant des contacts étroits entre Muriel Pénicaud et Stéphane Fouks, le vice-président d'Havas. Selon l'hebdomadaire, Muriel Pénicaud écrivait à son assistante le 4 juin 2015, peu avant l'obtention par Havas d'un important marché lancé par BF : "J'ai un rendez-vous secret avec Fouks, cela ne doit pas figurer à mon agenda et cela ne doit pas se savoir".
Du côté d'Havas, on soutient que les prestations de l'opération de Las Vegas entraient dans le champ de ce marché, en l'espèce un contrat-cadre couvrant la période du 15 juin 2015 au 31 décembre 2016 pour un montant d'environ 6,6 millions d'euros. Selon le groupe, aucun de ses responsables n'a été entendu à ce jour par les enquêteurs.
Mardi soir, le député LR Daniel Fasquelle a indiqué à France Info qu'il déposerait mercredi "une demande de commission d'enquête à l'Assemblée nationale pour faire toute la lumière sur les moyens employés par Emmanuel Macron pour gagner l'élection présidentielle".
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