Il revient au réalisateur iranien Asghar Farhadi, plusieurs fois primé à Cannes et aux Oscars, d'ouvrir des festivités cannoises qui se veulent particulièrement ouvertes à l'Asie et au Moyen Orient et aux résonances politiques, cinquante ans après mai 68.
Mardi matin, portiques de sécurité et barrières étaient dressés devant un Palais des festivals où quelques photographes amateurs avaient déjà pris position sur leur escabeau, se préparant pour une dizaine d'heures d'attente jusqu'à l'arrivée de Penélope Cruz.
"Everybody Knows", projeté à l'issue de la cérémonie d'ouverture animée par Edouard Baer, lancera la course à la Palme d'or. Ce film en espagnol réunit les stars Javier Bardem et Penélope Cruz dans un drame familial aux allures de thriller hitchcockien. Il faut remonter à 2004 et au long métrage "La Mauvaise Éducation" de Pedro Almodóvar, pour avoir un film d'ouverture qui ne soit ni en anglais ni en français.
Le film du réalisateur iranien d'une "Séparation" sera le premier des 21 longs métrages qui se disputeront la Palme d'or jusqu'au 19 mai.
Cinéastes sous surveillance
Parmi eux figureront notamment le dernier opus de la légende Jean-Luc Godard, celui de l'Américain Spike Lee, de retour 27 ans après "Jungle Fever", ou encore ceux de l'Iranien Jafar Panahi et du Russe Kirill Serebrennikov, cinéastes sous surveillance dans leur pays, tous deux en compétition pour la première fois. Interdits de voyager, ces deux réalisateurs ne devraient cependant pas être présents sur la Croisette.
Dix réalisateurs au total concourront pour la première fois pour la Palme d'or, dont la Libanaise Nadine Labaki - l'une des trois femmes en compétition - l'Egyptien Abou Bakr Shawky, ou les Français Eva Husson et Yann Gonzalez.
Le jury chargé de les départager sera présidé par la star australienne Cate Blanchett, engagée depuis quelques mois dans la lutte contre le harcèlement sexuel à travers la Fondation Time's Up. Il rassemblera notamment autour d'elle l'actrice française Léa Seydoux, l'une des accusatrices du producteur américain Harvey Weinstein, la comédienne américaine Kristen Stewart et sa compatriote la réalisatrice Ava DuVernay.
Un jury majoritairement féminin pour une édition dont Weinstein, un grand habitué de la Croisette aujourd'hui accusé de harcèlement sexuel ou de viols par une centaine de femmes, sera absent mais à coup sûr présent dans tous les esprits.
Signe de cette nouvelle ère, le Festival distribue aux festivaliers un flyer rappelant les peines encourues pour harcèlement sexuel, avec un numéro de téléphone pour toute victime ou témoin, et un mot d'ordre: "comportement correct exigé".
Il organisera aussi samedi une montée des marches 100% féminine, "dédiée aux femmes du cinéma, une centaine", a indiqué Thierry Frémaux.
Du Kenya à "Star Wars"
"Je pense qu'il va y avoir des changements extrêmement positifs à venir grâce à ce scandale", a estimé mardi Cate Blanchett sur la radio française France Inter.
"Il y a beaucoup de femmes de ce jury qui auraient aimé qu'il y ait plus de femmes en compétition mais ça ne va pas se faire du jour au lendemain", a-t-elle ajouté, assurant toutefois que "c'est la qualité" qui primera au moment de désigner la Palme d'or le 19 mai.
"Si les choses changent dans notre industrie, j'espère que cela inspirera des changements dans d'autres secteurs", souhaite aussi Penélope Cruz. "Une professeure, une doctoresse, une coiffeuse, on ne leur tend pas un micro pour savoir si elles ont subi des abus de pouvoir ou autres types d'abus..."
Il sera aussi question d'engagement avec la projection dans une section parallèle mercredi du premier film kényan jamais sélectionné à Cannes, "Rafiki". Une histoire d'amour entre deux femmes qui a été censurée au Kenya.
Egalement hors compétition, deux autres films devraient faire l'événement: "Solo: A Star Wars Story", dérivé de la saga "Star Wars", et "The House that Jack Built" de Lars Von Trier, qui marquera le grand retour du cinéaste danois, sept ans après avoir fait scandale sur la Croisette avec des propos controversés sur Hitler.
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