Ahsan Iqbal, 59 ans, a été touché au bras droit alors qu'il quittait une réunion publique dans sa circonscription dimanche soir. Son agresseur, âgé d'une vingtaine d'années, a été neutralisé alors qu'il s'apprêtait à tirer une seconde fois, et interpellé.
Après l'attentat, le ministre a tout d'abord été admis dans un hôpital local puis héliporté à Lahore. Il y a subi une opération qui a duré jusqu'au petit matin, a déclaré à l'AFP Shafqat Waseem Chaudhry, l'un des cinq médecins en charge du ministre. "Il est (dans un état) stable maintenant. Mais il restera en soins intensifs pendant deux jours", a-t-il ajouté.
Une enquête a été ouverte, certains s'interrogeant sur la possibilité d'un mobile d'ordre religieux.
Ali Anan Qamar, le commissaire adjoint du district où le ministre a été blessé, a indiqué à l'AFP que le tireur avait déclaré avoir été inspiré par une controverse apparue l'an dernier autour d'un amendement mineur au sujet de la formulation du serment prononcé par les candidats aux élections. Certains fondamentalistes lient cet amendement à la question du blasphème, très sensible au Pakistan.
Un petit groupe islamiste jusqu'alors peu connu, le Tehreek-i-Labaik, avait protesté contre l'amendement en bloquant trois semaines durant le principal accès à la capitale Islamabad. Il avait finalement obtenu du gouvernement la démission d'un ministre suite à un accord négocié par l'armée.
De nombreux Pakistanais et observateurs s'étaient inquiétés de ce qui avait alors été perçu comme un dangereux précédent pour le pays et un signe de faiblesse de la part du gouvernement.
Ahsan Iqbal, connu pour être un défenseur des minorités religieuses, souvent persécutées au Pakistan, était favorable à une sortie de crise négociée avec les islamistes. Il avait auparavant condamné les discours haineux à l'encontre des Ahmadis, une branche de l'islam considérée comme non musulmane au Pakistan en raison du culte qu'ils vouent à un prophète postérieur à Mahomet.
Le blasphème, dont ils se voient parfois accuser, est puni au Pakistan par des lois très sévères prévoyant jusqu'à la peine de mort. De simples accusations peuvent aussi entraîner des lynchages et des meurtres.
Les détracteurs de la loi soulignent qu'elle est régulièrement détournée et de fausses accusations utilisées pour régler des différends personnels ou faire taire les voix libérales.
En 2011, le gouverneur de la province du Pendjab, Salman Taseer, qui avait appelé à réformer cette loi, avait été abattu en plein jour à Islamabad par son garde du corps, qui avait ensuite été condamné à mort et exécuté.
Vie politique agitée
L'attaque de dimanche, condamnée par la communauté internationale, a ravivé les inquiétudes de nombreux observateurs et Pakistanais. Certains y voient une tentative d'affaiblir la démocratie à quelques semaines des prochaines élections législatives, prévues cet été et dont la date définitive doit être fixée prochainement.
L'incident est "grave" pour un pays qui "affirme qu'il est retourné à la normale" après une décennie marquée par de très nombreuses violences, a déclaré à l'AFP l'analyste Amir Rana, pour qui ce genre d'attaques, qui ternissent l'image du Pakistan, tendent à être "minimisées" par les autorités.
Le Pakistan, né en 1947 de la partition de l'Inde britannique, a connu depuis une vie politique agitée, marquée par des coups d'Etats militaires et de longues périodes sous la férule de l'armée.
Les précédentes élections législatives, en 2013, avaient constitué la première transition démocratique d'un gouvernement civil à un autre dans l'histoire du pays, et avaient à ce titre été accueillies comme un pas en avant historique.
La Ligue musulmane pakistanaise (PML-N), actuellement au pouvoir et dont le ministre Ahsan Iqbal est membre, fait pour l'heure office de favori du scrutin, avec le PTI de l'ancien champion de cricket Imran Khan.
Mais le PML-N est sous forte pression depuis que la Cour suprême a destitué en juillet dernier pour corruption l'ex-Premier ministre Nawaz Sharif. La justice pakistanaise a également démis le ministre des Affaires étrangères Khawaja Asif en avril, rendant l'issue du vote encore un peu plus incertaine.
Le clan Sharif, qui nie toute malversation, affirme que Nawaz Sharif est victime d'une conspiration ourdie par la puissante armée pakistanaise, dont il est un ennemi juré.
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