Un collectif d'habitants de Gossanah, tribu où se trouve la grotte, mène campagne depuis mi-avril pour s'opposer à la venue de M. Macron, qualifiée de "provocation".
Samedi matin, un barrage filtrant de gendarmes avait été dressé à la hauteur de Gossanah dans le nord de cet atoll, au cas où ce groupe, très minoritaire, aurait souhaité perturber la visite. "On n'a jamais eu l'idée (d'user de) violence, on n'a pas d'arme, juste des drapeaux kanak", a expliqué l'un de ses membres.
Pour "apaiser tout le monde" et "compte tenu de cette voix dissidente", comme il l'a expliqué à son arrivée, Emmanuel Macron est resté de l'autre côté de la route, entouré d'enfants et d'officiels, au moment où les familles des 19 militants ont déposé une gerbe sur le mémorial de Wadrilla.
Dans cette île meurtrie par les violences entre indépendantistes et loyalistes des années 1980, de longs processus de réconciliation et de pardon ont été accomplis avec les gendarmes et entre familles.
Des couronnes ont ainsi été déposées sur trois plaques en granit du monument: celles à la mémoire des deux leaders kanak, Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné, et celle de Djubelly Wéa, qui les assassina le 4 mai 1989. Orignaire de Gossanah, ce pasteur aux idées radicales s'opposait à la paix des accords de Matignon, du 26 juin 1988.
Refermer les plaies
Sur les lieux de ce drame, à la chefferie de Wadrilla, Emmanuel Macron a été accueilli selon les rites coutumiers avec un échange d'offrande -tissus, fleurs, sculptures - dans une ambiance à la fois solennelle et heureuse, compte tenu des nombreux enfants, venus "voir le président".
"J'ai voulu aller plus au contact dans une année importante (un référendum sur l'indépendance a lieu le 4 novembre). Nous savons tous les pleurs et les souffrances et aussi ce qui a été fait par vous tous dans un travail lent et patient", a déclaré M. Macron, en hommage aux démarches des habitants pour refermer les plaies.
M. Macron est le premier chef d'Etat à se rendre à Ouvéa depuis la tragédie et son déplacement intervient trente ans jour pour jour après l'assaut militaire contre la grotte, le 5 mai 1988.
Sous les applaudissements de plusieurs centaines d'habitants, le président a planté un cocotier, symbole de vie dans la culture kanak. Il avait à ses côtés un des fils d'Alphonse Dianou, chef du commando FLNKS qui attaqua, le 22 avril 1988, la brigade de Fayaoué et fut tué lors de l'assaut le 5 mai dans des conditions controversées.
Auparavant, Emmanuel Macron a rencontré, à huis clos les familles qui souhaitaient le voir. "Des moments intenses, des gens ont versé des larmes", selon l'Elysée.
Sa visite "n'est pas une provocation, il vient sur l'île pour rendre hommage", s'est félicité un habitant de cet atollau à la plage longue de 25 kilomètres.
"Je lui tire mon chapeau, ça fait trente ans qu'il y a eu les événements, il n'y a que lui qui a foulé le sol d'Ouvea. (...) La France vient s'agenouiller pour nos martyrs c'est pas n'importe quoi", a confié à l'AFP Kaco, un habitant de la tribu de Banutr.
Mais un autre, qui a préféré rester anonyme, a estimé, drapeau kanak à la main, que le chef de l'Etat venait "humilier nos morts".
Entouré des élus locaux et des responsables coutumiers kanak d'Ouvéa, le chef de l'Etat avait entamé la matinée par un dépôt de gerbe à la gendarmerie de Fayaoué à la mémoire des quatre gendarmes tués le 22 avril lors de l'attaque de la brigade, et des deux militaires morts pendant l'assaut.
Des élèves du collège ont ensuite entonné la Marseillaise puis l'hymne calédonien dans cette petite brigade située face au lagon de cet atoll, parmi les plus beaux du Pacifique.
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