Aboutissement d'une lente scénographie, cette conférence est censée clore toute une série d'annonces qui depuis plus d'un mois martèlent le même message via plusieurs canaux médiatiques: ETA (Euskadi Ta Askatasuna, soit "Pays Basque et Liberté"), créée en 1959, s'autodissout, un an après avoir rendu les armes le 8 avril 2017.
Mercredi, c'était un courrier de l'ETA qui était publié par un journal en ligne espagnol diario.es, annonçant sans ambiguïté que l'organisation a "mis fin à sa fonction".
Jeudi, l'ETA diffusait dans les médias espagnols une "déclaration finale" enregistrée par Jose Antonio Urrutikoetxea dit "Josu Ternera", chef historique de l'ETA, disparu dans la nature depuis 2002.
Cet homme, poursuivi pour plusieurs assassinats, y annonce en voix off que l'organisation clandestine a "démantelé l'ensemble de ses structures" et mis "fin à toute activité politique".
Cette "déclaration finale" a aussi été lue à Genève par le directeur exécutif du Centre Henry Dunant pour le Dialogue Humanitaire.
Et le dernier acte aux allures de reddition est prévu vendredi à partir de 12h00, à la Villa Arnaga de Cambo, l'immense demeure de l'écrivain français Edmond Rostand (1868-1918), auteur de "Cyrano de Bergerac".
Emmenées par l'avocat sud-africain Brian Currin, membre du Groupe de contact pour le processus de paix au Pays Basque, des personnalités internationales viendront y clore, avec une "déclaration" solennelle mais lue hors de la présence des nombreux journalistes venus pour l'occasion, la dernière insurrection armée d'Europe occidentale.
Avec 829 morts qui lui sont imputés, l'ETA, à coups d'enlèvements et d'attentats, a tenté sans succès d'obtenir l'indépendance du Pays Basque et de la Navarre pour finir décimée par les arrestations de ses chefs, et rejetée par la majorité de la population.
A la tribune de Cambo-les-Bains, on attend le Nord-Irlandais Gerry Adams, ancien dirigeant du Sinn Fein pendant 34 ans, qui milite contre la souveraineté britannique en Ulster; l'ancien Premier ministre irlandais Bertie Ahern, l'homme politique mexicain Cuauhtémoc Cardenas, et Jonathan Powell, diplomate britannique.
Côté espagnol, des représentants du PNV, le parti nationaliste basque, de Podemos (gauche radicale) et de l'alliance basque Bildu sont aussi attendus.
"Pas d'impunité"
Ce cérémonial est calqué sur la conférence d'Aiete en 2011 à Saint-Sébastien (Pays Basque espagnol) qui, sous l'égide de Kofi Annan, ancien secrétaire général de l'ONU et prix Nobel de la Paix, avait débouché sur un cessez-le-feu d'ETA.
Depuis lors, l'ETA a voulu suivre un processus de paix modelé, entre autres, sur celui des FARC de Colombie : Désarmement, démobilisation, réintégration. A la différence notable que ce processus n'a été mené que par une seule des parties prenantes au conflit au Pays Basque, ETA.
Madrid a en effet toujours refusé le moindre geste d'apaisement envers l'ETA, poussé par les puissantes associations de victimes. "Quoi qu'elle fasse, l'ETA ne trouvera aucune faille et pas d'impunité pour ses crimes", a encore déclaré jeudi le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy.
Le Collectif des victimes du terrorisme (Covite) a lui exigé que l'ETA condamne la terreur et cesse de rendre des hommages publics à ses militants quand ils sortent de prison. Il attend aussi qu'elle fasse la lumière sur 358 crimes encore inexpliqués.
L'Espagne avait mal accueilli un message diffusé le 20 avril où la faction armée regrettait "les torts causés" mais ne demandait pardon qu'aux victimes qui n'étaient pas parties au "conflit", laissant entendre que les autres, comme les policiers, étaient des cibles légitimes.
Pour clore vendredi le dernier chapître de son histoire, l'ETA a donc dû choisir le Pays Basque français, son ancienne base arrière, et ni le gouvernement de la Communauté autonome basque ni celui de la Navarre n'ont accepté l'invitation.
Restera encore à Madrid et Paris à régler l'épineux problème des quelque 270 militants incarcérés des deux côtés de la frontière.
A commencer par les "régimes d'exception" qui ont systématiquement éloigné de leurs familles les détenus basques. La France a commencé à faire quelques gestes, mais Madrid ne veut rien entendre.
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