Des femmes se promenaient avec leurs enfants sur la place de la République, dans le centre-ville de la capitale Erevan, près des fontaines étincelantes, alors que ce haut-lieu de la contestation populaire était encore mercredi soir plein à craquer de manifestants réclamant que M. Pachinian soit nommé à la tête du gouvernement de cette ex-république soviétique du Caucase.
"On tend vers un règlement de la situation, mais ces vingt derniers jours, la situation a évolué de manière si dynamique que des doutes persistent encore", a déclaré à l'AFP l'analyste Viguen Akopian.
Depuis le 13 avril, des dizaines de milliers de personnes s'étaient mobilisées en Arménie à l'appel de Nikol Pachinian, un député et opposant de 42 ans, contre l'ancien président Serge Sarkissian, devenu pour quelques jours seulement Premier ministre -aux pouvoirs étendus-, et contre son Parti républicain au pouvoir.
'Pourvu que ça ne soit pas pire'
Loin d'être prises au sérieux par les autorités au début, ces protestations avaient cependant abouti le 23 avril à la démission de Serge Sarkissian, son départ ayant provoqué une liesse populaire sans précédent dans les rues d'Erevan.
C'est au lendemain de la fête que M. Pachinian, 42 ans, avait réitéré son appel à manifester pour "consolider la victoire du peuple" et réclamé d'être élu Premier ministre par le Parlement dominé par le Parti républicain.
Après une révision constitutionnelle réalisée par l'ex-président Serge Sarkissian, la réalité du pouvoir est passé au chef du gouvernement, le président n'occupant plus que des fonctions essentiellement honorifiques.
M. Pachinian, qui se présente comme le "candidat du peuple", avait alors mobilisé de nouveau des dizaines de milliers de personnes pour bloquer des rues, des autoroutes et des voies ferrées.
Mais le 1er mai, alors qu'il était le seul candidat pour le poste de Premier ministre, il n'était pas parvenu à être élu, le Parti républicain, qui a la majorité absolue dans l'hémicycle, ayant fait bloc contre lui.
Mercredi, Nikol Pachinian a créé la surprise en annonçant avoir obtenu le soutien de l'ensemble du Parlement pour son élection à la tête du gouvernement, désormais fixée au 8 mai. Il a alors appelé les Arméniens à cesser les manifestations, leur donnant rendez-vous six jours plus tard.
"Le peuple est ravi, il y a des progrès, mais... (...) Pourvu que ça ne soit pas pire qu'avant", relativise Sarkis Azarian, un informaticien de 36 ans.
"Il y a des doutes quant à la décision des Républicains de soutenir ou au moins de ne pas empêcher l'élection du Premier ministre, beaucoup de doutes...", juge Viguen Akopian, rappelant que "du point de vue juridique et dans la forme, tout dépend désormais du vote du Parti républicain".
"Sur le fil du rasoir"
"Même s'il semble que tout soit clair, on ne peut rien affirmer avec 100% de certitude", lui fait écho l'analyste Stepan Safarian.
Une inquiétude partagée par Karine Vartanian, une institutrice de 63 ans : "La stabilité est encore très loin (...). Et même si le risque d'affrontements est minime, on ne sait jamais ce qui se passe dans la tête des gens".
"J'espère que le 8 mai, tout sera réglé et qu'il n'y aura plus de protestations. Mais nous ne faisons guère confiance au Parti républicain" qui pourrait toujours voter contre, confie à l'AFP Grigor Aroutiounian, un orientaliste de 42 ans.
Si les Républicains tiennent leur promesse et Nikol Pachinian est élu Premier ministre le 8 mai, il aura la tâche difficile de "manoeuvrer entre le peuple et une majorité parlementaire qui n'est pas la sienne", prévient pour sa part Stepan Safarian.
"Il n'a pas beaucoup de temps pour justifier les attentes du peuple et ces attentes sont très grandes", rappelle-t-il.
Les Arméniens reprochant avant tout aux autorités de n'avoir rien fait pour lutter contre la pauvreté et la corruption, "il faudra adopter des réformes très radicales (...), aller contre les cercles d'oligarques... C'est à dire marcher sur le fil du rasoir", ajoute M. Safarian.
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