Après des mois de préparation et de ballons d'essai, la Commission va mettre sur la table un cocktail d'économies et de nouvelles ressources pour que l'Union ait les moyens des ambitions affichées pour sa nouvelle vie à 27, sans le Royaume-Uni.
L'exécutif européen veut que les tractations entre Etats membres et Parlement européen pour la période 2021-2027 soient bouclées avant les prochaines élections européennes, soit moins de deux mois après le divorce avec les Britanniques prévu le 30 mars 2019.
"Ce genre de négociations prend normalement deux ans", souligne une source diplomatique, perplexe face à ce calendrier, alors que l'équation du "Cadre financier pluriannuel" (CFP) de l'UE n'a jamais semblé aussi complexe.
Selon les estimations de Bruxelles, le départ du Royaume-Uni va laisser un "trou" annuel de 12 à 14 milliards d'euros après 2020 -- dernière année de contribution de Londres malgré un Brexit programmé en cours d'année précédente.
La rupture avec ce "contributeur net" tombe d'autant plus mal que l'Union européenne cherche à financer de nouvelles politiques, en matière de défense ou de migration notamment, sans renoncer aux "anciennes". Ce qui nécessiterait un budget plus important que celui de 1.000 milliards d'euros fixé pour la période 2014-2020.
La PAC visée
Le commissaire au Budget, l'Allemand Günther Oettinger, veut que les 27 acceptent un budget au-delà de la limite actuelle de 1% du Revenu national Brut (RNB) cumulé des Etats membres. Il faudrait "entre 1,1 et 1,2%", a-t-il récemment estimé.
"Il va falloir faire des coupes", a prévenu M. Oettinger en visant la Politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion pour les régions les plus en retard économiquement, deux domaines représentant respectivement 37% et 35% du budget de l'UE.
La Commission proposera "des réductions modérées", "en-dessous de dix pour cent", selon une source européenne. Elles seront néanmoins difficiles à accepter, en particulier en France, dont les agriculteurs sont les principaux bénéficiaires des aides directes de la PAC.
Paris est prête à défendre une "réforme assez substantielle", mais "le filet de sécurité indispensable des aides directes pour les agriculteurs ne peut pas être affecté", prévient une source diplomatique.
Les pays de l'Est sont eux déjà vent debout face aux coupes dans les fonds de cohésion, dont ils sont les principaux destinataires, et qui pourraient par ailleurs être en partie réorientés vers d'autres pays connaissant un fort chômage des jeunes ou des "fractures territoriales".
La Pologne et la Hongrie sont d'autant plus sur la défensive qu'elles se sentent visées par un autre projet de la Commission, qui veut lier versement de fonds européens et respect de l'Etat de droit.
'Pression politique'
Plusieurs pays réclament ce mécanisme pour tirer les leçons du bras de fer infructueux entre Bruxelles et le gouvernement ultra-conservateur polonais, qui est accusé notamment de menacer l'indépendance de sa justice. Face à la lourdeur de la procédure en cours lancée par la Commission, l'idée est de pouvoir recourir à la pression financière dans des cas comparables.
"Nous n'accepterons pas de mécanismes arbitraires qui feront de la gestion des fonds un instrument de pression politique à la demande", a déjà averti le vice-ministre polonais pour les Affaires européennes, Konrad Szymanski.
Des pays comme l'Autriche ou les Pays-Bas sont déjà mobilisés pour leur part contre une hausse des contributions nationales, à laquelle l'Allemagne et la France sont en revanche disposées.
La Commission va plaider pour la nécessité de fonds plus importants pour le numérique, la recherche, la défense ou encore la protection des frontières extérieures, avec une proposition de "plus que quintupler" les effectifs de l'agence Frontex après 2020, pour les porter à près de 6.000 selon une source européenne.
Le débat budgétaire, qui nécessitera in fine une décision unanime des pays européens, va enfin ressusciter un serpent de mer: la création de nouvelles ressources propres pour l'UE. La Commission veut notamment que la taxation des échanges de quotas de carbone soit orientée vers le budget européen et la création d'une taxe sur les plastiques est dans les tuyaux.
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