Hôtes à la Maison Sainte-Marthe où réside le pape au coeur de la Cité du Vatican, spectateurs privilégiés de l'Angelus dominical depuis un balcon du palais apostolique, les trois Chiliens invités en famille ont déjà exprimé une reconnaissance émue dans de courtes réactions sur Twitter.
Leur conférence de presse commune, très attendue au Chili et plus généralement par les victimes d'abus par le clergé, pourrait être l'occasion de redorer le blason du pape. Mais aussi dénoncer le silence de certains prélats de la conservatrice Eglise catholique chilienne.
François, qui proclame "la tolérance zéro" pour les prêtres pédophiles, est sans cesse rattrapé par un sujet longtemps étouffé au sein de l'Eglise et désormais largement médiatisé dans de nombreux pays lorsque les victimes finissent pas s'exprimer parfois au bout de décennies.
Le numéro trois du Vatican, le cardinal australien George Pell, a ainsi été renvoyé mardi devant un tribunal pour des accusations d'agressions sexuelles anciennes qu'il rejette catégoriquement. Ce proche conseiller économique du pape, mis en congé depuis fin juin 2017 pour aller se défendre en Australie, est le plus haut représentant de l'Eglise catholique jamais poursuivi pour agressions sexuelles.
L'Australien avait été accusé dès 2002 d'abus sexuels pour des faits présumés très anciens, avant d'être innocenté, puis appelé peu prudemment à Rome par François.
Au Chili, où environ 80 membres du clergé ont été impliqués dans une série d'affaires d'abus sexuels ces dernières années, la venue du pape à la mi-janvier avait ravivé les plaies des victimes et leurs accusations d'une coupable omerta d'une partie de la hiérarchie de l'Eglise catholique.
Le souverain pontife avait certes exprimé "sa honte" face aux agissements du clergé de l'Eglise chilienne et pleuré en rencontrant en privé deux victimes d'abus sexuels.
Echec au Chili
Mais il avait transformé le voyage en fiasco médiatique en défendant avec force un évêque chilien, Mgr Juan Barros, soupçonné d'avoir caché les actes pédophiles du père Fernando Karadima. Ce dernier, un octogénaire, ancien formateur de prêtres, a été reconnu coupable en 2011 par un tribunal du Vatican d'avoir commis des actes pédophiles dans les années 1980 et 1990. Il a été contraint de se retirer pour une vie de pénitence.
Le pape s'était déclaré persuadé de l'innocence de Juan Barros et avait demandé aux victimes présumées des preuves de sa culpabilité. Avant de présenter ses excuses pour ces propos maladroits et de dépêcher au Chili deux enquêteurs.
En lisant les conclusions de cette enquête de 2.300 pages, comprenant 64 témoignages, le souverain pontife a poursuivi son mea culpa en reconnaissant voici trois semaines avoir commis "de graves erreurs" d'appréciation de la situation au Chili dans une lettre aux 32 évêques du pays.
Le pape évoque "un manque d'informations véridiques et équilibrées" sur le dossier, de quoi faire trembler certains prélats hauts placés du Chili, dont un cardinal de son cercle rapproché. François a convoqué à Rome en mai l'ensemble des évêques chiliens pour discuter de l'enquête.
Et en attendant, il a endossé son habit de pasteur en écoutant trois victimes du père Karadima, aujourd'hui dans leur quarantaine et cinquantaine.
Juan Carlos Cruz, James Hamilton et Jose Andrés Murillo ont tous pu parler individuellement au pape plus de deux heures, entre vendredi et lundi, avant de participer à une réunion collective lundi.
"Je suis ému. Il m'a écouté avec un grand respect, avec affection et proximité, comme un père", avait tweeté dimanche Juan Carlos Cruz, confiant avoir aujourd'hui "davantage d'espoir pour notre Eglise, même si la tâche est énorme".
Ce Chilien avait écrit en 2015 au pape en l'alertant sur l'évêque Juan Barros, avait rappelé en février une ancienne conseillère anti-pédophilie du Vatican, elle-même victime. Plaçant ainsi en contradiction François, qui avait déclaré au Chili n'avoir pas été contacté par des victimes.
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