Ces deux jumelles de 30 ans photogéniques ont pourtant intégré un département créé il y moins de six mois: la "Police des touristes", destinée à aider les visiteurs dans la mythique ville de Samarcande, jadis étape obligatoire de la route de la Soie, aujourd'hui principale attraction de l'Ouzbékistan.
Cette police constitue l'une des facettes de l'ouverture sur le monde entamée par l'Ouzbékistan depuis l'arrivée au pouvoir de Chavkat Mirzioïev en décembre 2016, après des années d'isolement forcé dans lequel était plongé ce pays de plus de 40 millions d'habitants.
"Dans le passé, je travaillais comme professeur puis comme styliste de mariage. J'ai même gagné un prix national comme styliste", se souvient Zoukhra Rakhmatova, qui parle couramment l'anglais, le russe, le farsi, le turc et le japonais.
"Mais notre grand-père a servi dans l'armée et notre oncle aussi", ajoute aussitôt la jeune femme: "Cela a toujours été notre rêve de servir dans l'armée".
"Un héros"
Classée depuis 2001 au Patrimoine mondial par l'Unesco, Samarcande a longtemps été un joyau de la route de la Soie qui reliait au Moyen-Âge la Chine à l'Europe. Elle est aujourd'hui celui de l'Ouzbékistan, que le nouveau président veut mettre en valeur en ouvrant le pays aux touristes, mais reste aussi un haut lieu de l'ancien régime.
A quelques minutes de l'époustouflante place du Régistan, encadrée de trois universités des XVe et XVIIe siècles, trône ainsi la statue d'Islam Karimov, qui a dirigé le pays d'une main de fer de 1991 à sa mort en septembre 2016.
Il est enterré dans un mausolée situé en plein centre historique de Samarcande, sa ville natale. Critiqué par les défenseurs des droits de l'Homme pour avoir été l'architecte d'un des régimes les plus répressifs au monde, Islam Karimov est loin d'être désavoué.
Son mausolée est aujourd'hui prisé des photographes amateurs, touristes ou jeunes mariés. "Tout le monde fait des erreurs mais Islam Karimov est un héros. Il a travaillé jour et nuit pour protéger le peuple ouzbek", explique une demoiselle d'honneur de 22 ans posant devant le bâtiment.
En public, Chavkat Mirzioïev continue lui aussi de rendre hommage à l'ancien président, dont il fut le Premier ministre pendant 13 ans. Mais il a adouci la répression qui marquait le règne d'Islam Karimov.
Interdiction de photo
Le tourisme est un des secteurs dans lesquels les efforts de libéralisation de Chavkat Mirzioïev sont les plus visibles: lors de sa première année au pouvoir, la fréquentation a grimpé de 25%.
En février, le président a autorisé les citoyens de sept pays, dont le Japon et Israël, à voyager sans visa en Ouzbékistan. Il a aussi adouci les règles d'obtention du visa pour les citoyens de 39 autres pays.
A Samarcande, ces changements ont été accueillis avec bienveillance par la population. "Nous devons nous ouvrir, bien sûr!", assène Maïa Chakhirmadanova, la patronne d'un restaurant qui repose à l'ombre de la mosquée Bibi-Khanym, construite en 1404.
"Laissons les touristes venir à nous comme des frères et des soeurs", ajoute-t-elle, précisant qu'elle a agrandi sa cuisine pour répondre à l'augmentation de la demande.
Le limogeage de Roustam Inoïatov, qui contrôlait les services de sécurité depuis plus de deux décennies, est un des signes les plus significatifs de l'ouverture du régime. Ce haut dirigeant de l'ancien régime est accusé d'avoir bloqué les précédents efforts de Mirzioïev pour développer le tourisme, insistant par exemple sur le maintien de mesures de sécurité ubuesques, comme l'interdiction de prendre des photos du métro de la capitale.
Cette interdiction était un "vestige de l'Union soviétique", explique à l'AFP le nouveau patron du tourisme azerbaïdjanais, Aziz Abdoukhakimov, 44 ans. "Nous voulons que les touristes prennent autant de photos que possible. Mettez-les sur Instagram! C'est la meilleure publicité pour le pays", ajoute-t-il.
Sur leurs Segway, les jumelles Rakhmatova circulent dans Samarcande. Elles ont reçu une formation de premiers secours et veillent au bien-être des visiteurs.
Certains touristes peuvent parfois être perturbés, sourit Fatima: "Ils voient l'une de nous près d'une attraction, puis l'autre à côté d'un autre bâtiment...", explique-t-elle dans un éclat de rire. "Ils sourient mais ont parfois un drôle d'air. Sûrement parce qu'ils pensent que la police les suit".
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