A 120 km de New York, Woodbridge, commune aisée proche de l'université de Yale, est bien loin des millions de visiteurs attirés par les musées de la métropole américaine.
Mais son existence est déjà une performance en soi, fruit de l'acharnement de l'homme d'affaires palestino-américain Faisal Saleh, 66 ans, installé aux Etats-Unis depuis le début des années 1970.
Les relations étroites entre Washington et Israël, dont le 70e anniversaire sera célébré le 14 mai, le déménagement annoncé de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, les gros titres sur des attentats ou des attaques au couteau perpétrées par des Palestiniens tendent à dominer la perception qu'ont de nombreux Américains du peuple palestinien.
"Les médias et les forces hostiles à la Palestine ont présenté les Palestiniens sous un jour très négatif, et d'une certaine façon ils ont été déshumanisés", souligne Faisal Saleh dans un entretien à l'AFP.
L'homme d'affaires, qui a travaillé dans l'édition et les logiciels, espère que son musée amènera des Américains de tous bords à voir les Palestiniens comme "un peuple comme les autres".
"Nous avons nos artistes, comme tous les pays ont leurs artistes, et nous en avons un nombre disproportionné", dit-il. "Beaucoup d'entre eux travaillent dans des conditions très rudimentaires".
"Créatifs plutôt qu'arriérés"
Baptisé "Palestine Museum US", ce nouveau lieu, qui abrite plus de 70 oeuvres d'art, 100 photographies, des broderies et des costumes, doit ouvrir ses portes au public ce dimanche.
Gratuit, n'employant que des bénévoles, avec un budget de 500.000 dollars à peine, l'espace d'exposition de quelque 400m2 n'ouvrira pour commencer que le dimanche.
Même s'il s'agit uniquement d'oeuvres d'art, et que le musée n'offre aucune explication sur le conflit israélo-palestinien, la nostalgie pour un territoire, pour la paix et l'auto-détermination imprègne de nombreuses oeuvres exposées.
Les Palestiniens appellent l'anniversaire de la création d'Israël en 1948 la "Nakba" ("catastrophe" en arabe), en mémoire de l'exode de la population arabe palestinienne pendant la guerre israélo-arabe de cette année-là.
"L'art élargit toujours l'horizon de nos pensées," dit Samia Halaby, artiste palestinienne reconnue de 81 ans, aujourd'hui new-yorkaise, dont trois toiles sont exposées dans le nouveau musée.
"J'espère qu'ils apprendront des choses sur notre existence en tant que peuple, et qu'ils nous verront comme créatifs plutôt qu'arriérés, comme les médias aiment souvent nous présenter", dit-elle.
"C'est ce qu'arrivent à faire de nombreux musées dans le monde pour de nombreuses cultures et idées différentes".
L'espace d'exposition, très lumineux, s'ouvre sur de vieilles photos de Jérusalem à l'époque du mandat britannique, jusqu'à l'art contemporain et abstrait.
"Un grand musée dans une grande ville"
Rassembler toutes les pièces en peu de temps a été un vrai casse-tête. D'autant que, jusqu'à ce qu'Halaby valide le projet, de nombreux artistes palestiniens ou arabes d'Israël refusaient de s'y associer.
Ayant finalement réussi à réunir les travaux de quelque 29 artistes, dont beaucoup vivent en Israël, dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie, Saleh pense avoir démontré que le concept mérite d'être élargi.
"Nous espérons que très bientôt, d'autres entrepreneurs palestiniens apporteront une contribution financière pour réaliser notre objectif final, à savoir créer un grand musée dans une grande ville, comme New York ou Washington".
Les premières réactions ont été positives.
"Notre activité est très pacifique (...) Nous voulons partager notre art avec les gens, je ne vois pas comment cela pourrait gêner quelqu'un", dit-il.
Après avoir assisté à une cérémonie d'inauguration dimanche dernier, Timothy Niedermann, un auteur qui a écrit un roman sur la Palestine, a estimé que les Etats-Unis avaient bien besoin d'un tel musée.
"L'image négative que nous avons se justifie sans doute par notre expérience du terrorisme, mais nous ne connaissons rien d'autre. Ce musée va montrer que +Oui, il y a bien des gens normaux qui vivent là-bas+".
"Et cela a vraiment besoin d'être dit: des gens normaux avec lesquels on peut avoir une conversation normale, afin d'arriver peut-être à des solutions normales".
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