"Jacques, il est dans l'ADN du festival. Il était là pour la toute première édition, il est venu onze fois au total et tous se rappellent de chacune de ses performances", assure Daniel Colling, fondateur et ex-patron du Printemps et producteur historique de l'artiste.
A l'époque de la première édition du festival, Higelin incarnait le renouveau de la chanson française. Mais les organisateurs avaient fait le pari de mettre en vedette Charles Trénet, que la jeune génération connaissait peu voire méprisait un tantinet.
"Alors Jacques, qui admirait Trénet, a décidé de faire un pot-pourri des classiques de son aîné, pour faire comprendre au public son importance. Il l'a introduit comme il fallait. Et Trénet, qui avait du répondant après avoir longtemps hésité à venir à Bourges, a fait le reste. Ca ne pouvait pas mieux lancer le festival", raconte Colling.
Le producteur se rappelle que les premiers concerts-marathons du chanteur, marque de fabrique des "happenings higeliniens", se sont déroulés à Bourges.
"Ici on le laissait faire. Mais je me souviens qu'une fois au festival de jazz d'Antibes, il a largement débordé sur l'horaire. Les organisateurs ont coupé la lumière, puis la sono. Jacques a pris sa guitare acoustique, s'est mis au milieu des gens et c'était reparti", rit l'ancien patron du Printemps.
Sa gorge se serre un peu pour évoquer son moment le plus fort à Bourges avec son ami. "Ce n'était pas sur scène, mais en coulisses. Il était ému lorsque sa fille, Izia, se produisait à 16 ans pour une de ses premières fois (en 2006, ndlr). Il l'a serrée dans ses bras pendant une minute pour lui donner du courage. C'est long une minute. C'était fort", dit-il.
"Vous nous manquez trop "
Depuis l'ouverture du festival mardi, le fantôme du poète-rock disparu le 6 avril à l'âge de 77 ans trône sur les bords de l'Auron, la rivière qui traverse Bourges. Les organisateurs ont installé un grand portrait-photo de l'artiste sur la place Séraucourt, au pied duquel est posé un livre d'or qui sera ensuite donné à la famille du chanteur.
Entre les concerts, des images d'archives d'Higelin à Bourges sont diffusées. Les gens attendent souvent la fin de ces brèves diffusions pour aller se ravitailler en boissons. Certains espèrent qu'il va réapparaître assis au piano, comme il le fit à une époque pour accueillir les festivaliers dans une des salles à l'entrée du site.
Côté artistes, quelques hommages ont déjà été rendus. Mercredi soir, Sandra Nkaké, superbe voix d'un jazz que Higelin ne dédaignait pas, lui a dédié son concert.
"Voilà +la lune rousse+ (en référence à la chanson +Champagne+). Monsieur Jacques Higelin vous nous manquez trop. Merci pour tout ce que vous avez insufflé dans nos vies, de poésie, de folie, de liberté. Ce concert, il est pour vous, pour nous, pour lui", a-t-elle dit.
Mardi, Catherine Ringer, qui venait d'expliquer à l'AFP se sentir "liée à lui par tout ce qu'il (lui) inspirait, par son amour de la fantaisie", a repris "Pars" avec une intense émotion.
Si le grand Jacques n'est pas encore sur toutes les lèvres, cela pourrait changer jeudi soir avec le concert de son fils aîné Arthur H. Auteur du magnifique "Amour chien fou", il viendra chanter ses nouvelles compositions, parmi lesquelles probablement "Le passage" dédiée à son père.
Pour l'artiste de 51 ans, qui a superbement orchestré l'hommage musical à Jacques Higelin il y a deux semaines au Cirque d'hiver à Paris, il s'agira de boucler cette séquence pleine d'émotion là où son père faisait le Printemps. Là où lui mais aussi sa soeur Izia ont encore de belles pages à écrire.
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