"On est en état d'alerte maximale, le commandement nous a dit de nous préparer à un assaut du régime", lâche Atallah Qatifane, jeune combattant rebelle posté sur la ligne de front qui sépare les quartiers insurgés des secteurs gouvernementaux, dans un marché au cœur de Deraa.
Berceau de la contestation contre le pouvoir de Bachar al-Assad en 2011, la province de Deraa reste aujourd'hui contrôlée à 70% par les groupes rebelles, mais le régime et des jihadistes affiliés au groupe Etat islamique (EI) y sont également présents.
Stratégique, elle se trouve à la frontière avec la Jordanie et le plateau du Golan, annexé par Israël. Une position géographique sensible qui explique pourquoi Washington et Amman, entre autres, suivent de près la situation.
Dans le chef-lieu de la province, les rebelles contrôlent la vieille ville, c'est-à-dire le secteur sud, tandis que le secteur nord, où se trouvent les institutions étatiques, est aux mains du régime.
"Les avions de reconnaissance ne quittent pas le ciel, il y a tous les jours des escarmouches avec les forces du régime en ville", poursuit Attalah Qatifane, 25 ans. "Plus d'une fois, ils ont essayé d'infiltrer nos positions, mais on a déjoué leurs plans", ajoute-t-il.
Renforts et barricades
Pour des experts, le régime pourrait bien faire de Deraa sa prochaine cible, après avoir reconquis les territoires rebelles dans la Ghouta orientale, ultime bastion insurgé aux portes de Damas, centre névralgique de son pouvoir.
Si les forces gouvernementales bataillent actuellement pour reconquérir le dernier réduit de l'EI dans la périphérie sud de Damas, des renforts ont déjà été envoyés ces dernières semaines dans la province de Deraa, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
"Après la chute de la Ghouta, le régime a intensifié ses frappes: des missiles sol-sol, des tirs d'obus et d'artillerie lourde", explique le combattant rebelle Fahd Abou Hatem, 29 ans, stationné dans le sud-ouest de la ville.
Les combattants consolident leurs positions, affirme-t-il: "On creuse de nouvelles tranchées, on érige de nouvelles barricades".
Certains secteurs de la province, et des régions voisines de Qouneitra et Soueida, font partie d'une des quatre "zones de désescalade" mises en place en Syrie pour cesser les hostilités à travers le pays.
En juillet, la Russie, les Etats-Unis et la Jordanie avaient annoncé un cessez-le-feu dans cette région, où les résultats sont les plus concluants et où les combats ont baissé en intensité au cours des derniers mois.
"Nos alliés (étrangers) nous ont conseillé de préserver la désescalade, tant qu'elle n'est pas violée par le régime d'Assad", assure à l'AFP un haut commandant rebelle, Ibrahim Mossalama, membre d'une cellule d'opération regroupant plusieurs factions.
"Frappes et blessés"
"Nous sommes prêts à affronter toute tentative que mènera le régime pour progresser" sur le terrain, souligne le jeune responsable de 27 ans, précisant que "la coopération a été renforcée entre les factions du front sud, depuis Qouneitra jusqu'à Soueida".
Si la province de Deraa est stratégique, c'est aussi parce que s'y trouve le poste frontalier de Nassib, entre la Syrie et la Jordanie, source de revenus non négligeables.
Les insurgés tiennent depuis 2015 ce poste-frontière par lequel transitait tout le commerce terrestre avec la Jordanie, mais aussi les pays du Golfe.
Et malgré la mobilisation des rebelles, les civils installés dans le secteur insurgé ne cachent pas leurs craintes.
"Tous les jours, il y a des frappes et des blessés", déplore Oum Mohamed al-Baghdadi, infirmière dans un hôpital de campagne.
"Évidemment, on ne peut pas dire qu'on n'a pas peur d'une escalade. Après la fin de la Ghouta, le régime va essayer d'intensifier ses frappes contre n'importe quelle région qui est contre lui", ajoute la quadragénaire.
Dans le secteur rebelle, où vivent plus de 30.000 personnes, les services de base comme l'eau courante et l'électricité sont déjà défaillants, les infrastructures ayant été endommagées par des années de conflit, souligne le chef du conseil local, Mohamed Abdel Majid.
"Les civils, femmes et enfants, seront les premiers touchés par une escalade militaire", poursuit-il: "C'est un important moyen de pression qui peut-être utilisé contre les factions de la révolution par un régime qui rêve d'une victoire militaire".
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