La justice enquête sur des soupçons de corruption entourant l'obtention par son groupe de concessions portuaires en Afrique de l'ouest.
Le milliardaire breton de 66 ans, encore aux commandes du groupe Bolloré mais qui a récemment cédé les rênes de Vivendi à son fils Yannick, était entendu dans les locaux de la police anticorruption, ont indiqué à l'AFP des sources concordantes, confirmant une information du Monde.
Des juges d'instruction tentent de déterminer si le groupe Bolloré a utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Havas pour se voir attribuer la gestion des ports de Lomé, au Togo, et de Conakry, en Guinée, via une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.
Le responsable du pôle international de Havas, Jean-Philippe Dorent, et Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré, ont également été placés en garde à vue, a précisé une source judiciaire.
Dans un communiqué publié en fin de matinée, le groupe Bolloré a "formellement" démenti avoir commis des irrégularités en Afrique.
"Le lien qui tente d'être fait par certains entre l'obtention de ces concessions et les opérations de communication est dénué de tout fondement économique et révèle une méconnaissance lourde de ce secteur industriel", insiste-t-il.
L'annonce de cette garde à vue a fait plonger l'action du groupe Bolloré à la Bourse de Paris: le titre perdait près de 8% à 12H35, dans un marché pratiquement à l'équilibre (+0,03%).
Au coeur de l'enquête, initiée par une plainte d'un ancien associé franco-espagnol de Bolloré, Jacques Dupuydauby, se trouvent les conseils prodigués en 2010 par Havas lors des campagnes électorales victorieuses d'Alpha Condé en Guinée et de Faure Gnassingbé au Togo. Tous deux avaient eu recours aux activités de conseil d'Havas, pilotées par M. Dorent.
En Guinée, SDV avait obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après l'élection de M. Condé en 2010. Et au Togo, la filiale avait remporté le marché peu avant la réélection en 2010 de M. Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005.
"Je privilégie les amis"
"Les concessions obtenues au Togo l'ont été en 2001, bien avant l'entrée du groupe dans Havas et en Guinée, en 2011, à la suite de la défaillance du n°1 (le groupe étant arrivé en seconde position lors de cet appel d'offres), défaillance constatée avant l'élection du président", a fait valoir le groupe Bolloré dans son communiqué.
"Bolloré remplissait toutes les conditions d'appel d'offres. C'est un ami, je privilégie les amis. Et alors?", avait expliqué Alpha Condé au journal Le Monde en 2016, à propos de ce dossier.
Une perquisition avait eu lieu en avril 2016 à la tour Bolloré de Puteaux, près de Paris, siège notamment de la filiale Bolloré Africa Logistics, en particulier dans les bureaux de Vincent Bolloré lui-même.
C'est en enquêtant sur les relations de Francis Perez, président du groupe Pefaco, une société spécialisée dans l'hôtellerie et les jeux et très implantée en Afrique, que les enquêteurs ont été amenés à se pencher sur les activités africaines de Vincent Bolloré.
Francis Perez comptait notamment parmi ses relations Jean-Philippe Dorent.
A chaque fois, la désignation de SDV a donné lieu à une bataille judiciaire entre le groupe Bolloré et les anciens gestionnaires des ports.
Dans le volet togolais, l'ancien associé de M. Bolloré, Jacques Dupuydauby, accuse la présidence togolaise d'avoir été corrompue par le groupe français. Dans son bras de fer judiciaire avec l'industriel breton, il a été condamné en Espagne à 3 ans et neuf mois de prison pour "détournement d'actifs" du groupe Bolloré. La cour d'appel de Paris doit se prononcer le 16 mai sur la demande d'extradition de Madrid.
S'agissant de Conakry, Bolloré avait perdu sa bataille devant le tribunal de Nanterre face à Necotrans, l'ancien concessionnaire, et condamné en 2013 à lui verser plus de 2 millions d'euros. En juin 2017, Necotrans, spécialiste de la logistique en Afrique, a été placé en redressement judiciaire et racheté peu après par le groupe Bolloré.
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