Ce collectif, qui comprend les imams de Bordeaux, Nice ou Strasbourg, prend dans le même temps ses distances avec le retentissant manifeste contre "un nouvel antisémitisme" publié dimanche dans Le Parisien et appelant à expurger certains passages du Coran.
"Indignés, nous le sommes en tant que Français touchés par ce terrorisme ignoble qui nous menace tous. Nous le sommes aussi en tant que musulmans, comme le reste de nos coreligionnaires, musulmans paisibles, qui souffrent de la confiscation de leur religion par des criminels", écrivent ces trente imams.
Ils déplorent de voir "l'islam tomber dans les mains d'une jeunesse ignorante, perturbée et désoeuvrée".
"Le vrai sacrifice est de se donner pour les autres, comme l'a fait notre héros national, le colonel Arnaud Beltrame", jugent ces responsables religieux, en référence au gendarme mort en se substituant à un otage lors de l'attaque jihadiste du 23 mars dans l'Aude.
Regrettant que des "lectures et des pratiques subversives de l'islam" aient conduit à une "situation cancéreuse, à laquelle certains imams malheureusement ont contribué, souvent inconsciemment", les signataires de cet appel mettent en garde contre les "dégâts" que ces discours peuvent provoquer.
"Nous ne sommes pas à l'abri d'autres crimes au nom de l'islam", préviennent-ils, exhortant les imams à "résister à une orthodoxie de masse, à un populisme communautariste et aux demandes d'overdoses religieuses".
Le collectif estime cependant que l'idée avancée dans le manifeste contre "un nouvel antisémitisme" selon laquelle le Coran lui-même appellerait au meurtre est "d'une violence inouïe". "Elle laisserait entendre que le musulman ne peut être pacifique que s'il s'éloigne de sa religion", s'indignent ces imams, dénonçant une "ignorance néfaste".
La "radicalité ou radicalisation doit être combattue intelligemment par tous les concernés, des politiques aux imams en passant par la famille, l'école, le sécuritaire... Que chacun assume sa part de responsabilité", interpellent les signataires.
"Climat de guerre civile"
Fervent défenseur de la laïcité, Jean-Pierre Chevènement, le président de la Fondation de l'islam de France (FIF), s'est invité mardi dans ce débat.
Il a d'abord vivement critiqué la tribune de dimanche: "Autant il faut condamner avec la plus extrême vigueur toutes les manifestations d'antisémitisme à commencer par les actes antisémites, autant il peut être dangereux de désigner +un nouvel antisémitisme musulman+, comme si tous les musulmans avaient tété l'antisémitisme avec le lait de leur mère", a-t-il affirmé dans un communiqué.
"C'est ce genre de généralisation abusive qui contribue à la montée des tensions dans notre société et à créer un climat de guerre civile", a averti l'ancien ministre de l'Intérieur.
"Bienvenu au contraire est l'appel aux autorités religieuses musulmanes à contextualiser les versets du Coran appelant au châtiment des juifs, des chrétiens et des musulmans mécréants, les frappant ainsi d'obsolescence", a jugé M. Chevènement à propos de cette tribune.
"On ne peut à cet égard que se féliciter de l'appel" lancé par les 30 imams, a souligné le président de la FIF, structure lancée en août 2016 qui contribue notamment à la formation profane des imams.
Les signataires de la tribune contre l'antisémitisme, parmi lesquels l'ex-président Nicolas Sarkozy, l'ancien Premier ministre Manuel Valls, le chanteur Charles Aznavour et l'acteur Gérard Depardieu, pressaient les autorités musulmanes de "frapper d'obsolescence" les versets du Coran qui appelleraient "au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants".
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