"Le procès injuste et délirant d'antisémitisme fait aux citoyens français de confession musulmane et à l'islam de France à travers cette tribune présente le risque patent de dresser les communautés religieuses entre elles", a réagi le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, dans un communiqué.
Publié dimanche dans le Parisien, le manifeste "contre le nouvel antisémitisme" pointe du doigt la "radicalisation islamiste" et sonne l'alarme contre une "épuration ethnique à bas bruit" dont serait victime la communauté juive en région parisienne.
Les signataires, dont l'ancien Premier ministre Manuel Valls et l'ex-président Nicolas Sarkozy, pressent également les autorités musulmanes de "frapper d'obsolescence" les versets du Coran qui appelleraient "au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants".
"Les citoyens français de confession musulmane majoritairement attachés aux valeurs républicaines n'ont pas attendu (cette) tribune (...) pour dénoncer et combattre depuis des décennies l'antisémitisme et le racisme antimusulman sous toutes ses formes", affirme aussi M. Boubakeur.
Le président de l'Observatoire national contre l'islamophobie, Abdallah Zekri, a lui dénoncé un débat "nauséabond et funeste" et exhorté les signataires de la tribune à cesser "d'accabler l'islam et les musulmans". "Des hommes politiques sur le déclin et en mal de reconnaissance médiatique ont trouvé dans l'islam et les musulmans de France leur nouveau bouc émissaire", tacle-t-il.
S'ils ne contestent pas la réalité de l'antisémitisme en France, des responsables musulmans joints par l'AFP rejettent tous la virulence des termes et l'opprobre jeté, selon eux, sur l'islam.
"Cette tribune est un non-sens, un hors-sujet. La seule chose à laquelle on adhère, c'est qu'on doit tous être ensemble contre l'antisémitisme", déclare ainsi à l'AFP Ahmet Ogras, le président du Conseil du culte musulman (CFCM).
"Personne n'a le monopole de l'oppressé ou de la victime", poursuit-il, jugeant par ailleurs "très fort" le terme d'"épuration ethnique" employé dans la tribune.
"Ineptie"
La référence, dans le manifeste, à des versets du Coran qui appelleraient au meurtre des non-musulmans fait également grincer des dents.
"Dire que le Coran appelle au meurtre, c'est très violent et c'est une ineptie !", estime Tareq Oubrou, imam de la Grande Mosquée de Bordeaux. "Le Coran est, à l'origine, en arabe. Je pense que ceux qui ont signé la tribune ont lu une traduction, une interprétation. Ça montre un manque de culture religieuse. N'importe quel texte sacré est violent, même l'Évangile !", assure-t-il.
Jacqueline Chabbi, professeure en études arabes à l'université de Paris-VIII, est du même avis: "Les insultes et malédictions diverses contre des adversaires, les passages datés et non transférables, il y en a dans tous les textes sacrés". Comme pour certains textes chrétiens tels que l'Ancien Testament, "il ne faut pas confondre la violence du discours, qui masque souvent une impuissance, et ce qu'on fait en réalité", souligne-t-elle.
Interrogé lundi sur France Inter sur le risque d'une "stigmatisation" des musulmans,l'un des signataires, l'essayiste Pascal Bruckner, a assuré que le manifeste n'appelait "pas à la stigmatisation mais à l'insurrection des bonnes volontés et dans ces bonnes volontés, les musulmans réformateurs, les musulmans libéraux, les musulmans éclairés sont évidemment d'accord".
Sans se prononcer en détail sur un texte qu'elle n'a pas signé, la garde des Sceaux Nicole Belloubet a de son côté estimé dimanche qu'il fallait "tout faire pour éviter une guerre des communautés". "La France par construction est un pays de la mixité, de la cohésion", a-t-elle assuré.
Les actes antisémites se sont affichés en repli en 2017 (-7%) pour la troisième année consécutive, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Mais cette baisse globale masque l'augmentation des faits les plus graves visant la communauté juive, qui représente environ 0,7% de la population mais est la cible d'un tiers des faits de haine recensés.
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Quand on critique le Coran, certains crient à la stigmatisation des musulmans : Mais l'argument selon lequel "contester une thèse ou une idéologie c'est offenser ceux qui la partagent" est un alibi pour refuser de débattre...