"L'état de nos juridictions et de nos prisons ne répond pas aux attentes des citoyens", constate la garde des Sceaux dans l'exposé des motifs du projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022. Il faut donc "rétablir la confiance de nos concitoyens dans notre justice", "rendre plus effectives les décisions des magistrats".
Le budget de la justice devrait considérablement augmenter, pour passer de 6,7 milliards d'euros en 2017 à 8,3 milliards en 2022, dont une grande partie sera destinée aux prisons.
Il y aura au total 6.500 créations d'emplois en cinq ans. Mais selon l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), ce chiffre inclut la création de "seulement" 400 postes de magistrats et environ 180 fonctionnaires de greffe.
La mobilisation contre ce projet de réforme n'a pas faibli depuis février.
L'USM et le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) ont manifesté côte à côte, ce qu'ils n'avaient pas fait depuis 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Des milliers d'avocats ont participé à une manifestation nationale à Paris le 11 avril; les fonctionnaires de greffe étaient eux aussi mobilisés.
Dans un communiqué commun, l'USM et le SM, l'Unsa Services judiciaires, la CGT Chancellerie ont dénoncé un "démantèlement de la justice au bénéfice d'économies de bouts de chandelle". "Tout est fait pour le parquet et la police", dénonce la bâtonnière de Paris, Marie-Aimée Peyron.
La garde des Sceaux et le Premier ministre Edouard Philippe avaient ouvert en octobre cinq grands chantiers: la simplification des procédures pénale et civile, l'organisation territoriale, la numérisation, le sens des peines et son efficacité.
De l'antiterrorisme aux stupéfiants
En mars, Emmanuel Macron a annoncé une profonde réforme du système des peines, pour tenter de répondre à une surpopulation carcérale chronique. Le nombre de détenus a atteint au 1er avril un nouveau record (70.367 personnes incarcérées).
Le projet proscrit les détentions courtes mais assurera l'application de celles de plus d'un an, tout en multipliant les alternatives en milieu ouvert. L'objectif n'est plus de 15.000 nouvelles places de prison comme promis pendant la campagne électorale, mais de 7.000 places d'ici 2022.
Autre grande annonce: l'expérimentation d'un tribunal criminel départemental. A mi-chemin entre cour d'assises et tribunal correctionnel, il jugera des crimes allant jusqu'à 20 ans de réclusion. Il sera composé de magistrats uniquement et non de jurés populaires. Environ 57% des affaires actuellement jugées aux assises (sur un total de 2.000) seront concernées.
La création d'un parquet national antiterroriste, dans un pays sous constante menace jihadiste, est également prévue.
Le projet le plus contesté est la fusion des tribunaux d'instance (TI) et de grande instance (TGI). Les TI sont des lieux de justice de proximité, où sont jugées les affaires civiles (surendettement, loyers impayés, tutelles, etc.) pour lesquelles la demande porte sur des sommes inférieures à 10.000 euros.
La ministre a affirmé vendredi que cette fusion "ne changera rien" pour le justiciable et a répété qu'aucun tribunal ne serait fermé. Des arguments qui n'ont pas convaincu les opposants au projet de loi.
Au-delà de ces mesures phare, le projet de réforme comprend moult dispositions.
Pour Céline Parisot, de l'USM, "on écarte les justiciables des tribunaux. Un des gros points noirs de la réforme est l'accès au juge".
Pour les divorces par exemple, la phase de conciliation obligatoire devant le juge aux affaires familiales est supprimée. Quant à la révision des pensions alimentaires, elle sera réalisée par les directeurs des CAF et non par un juge.
Au civil encore: une procédure entièrement dématérialisée sans audience pourra se tenir pour certains litiges.
Au pénal, l'usage de stupéfiants pourra être puni d'une amende forfaitaire de 300 euros.
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