Le théologien suisse de 55 ans, qui avait invoqué sans succès son état de santé pour être libéré, "souffre d'une sclérose en plaques depuis 2006, diagnostic considéré comme certain", concluent les médecins dans leur rapport déposé mercredi chez les juges d'instruction, selon des sources concordantes.
"La prise en charge actuelle (...) n'est pas incompatible avec la détention. Toutefois les experts insistent sur le fait que Tariq Ramadan, s'il restait en détention, devra continuer à bénéficier de l'accès aux soins", notamment de son traitement médicamenteux et de ses quatre séances de kinésithérapie hebdomadaire, écrivent-ils encore.
L'intellectuel musulman, qui conteste toute relation sexuelle avec ses deux premières accusatrices et fustige une "campagne de calomnie", est écroué à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne) depuis sa mise en examen, le 2 février, pour viol et viol sur personne vulnérable.
Disant souffrir d'une sclérose en plaques et d'une neuropathie, il avait contesté son incarcération, mais une première expertise rapide n'avait pas confirmé ces diagnostics. Le 22 février, la cour d'appel de Paris avait alors validé son maintien sous écrou, au grand dam de ses soutiens qui, depuis, ne cessent de dénoncer une "injustice".
Selon le rapport rendu mercredi, le diagnostic de la sclérose en plaques, posé au Qatar en novembre 2014 puis à Londres en 2016, a été confirmé à Paris "en mars 2018 à l'hôpital de la Salpêtrière par deux neurologues d'une compétence reconnue".
"Il n'y a pas eu de poussée de la maladie" récente, notent-ils, affirmant que "le stress peut majorer les symptômes".
En revanche, selon ces experts, aucun argument "ne permet de retenir le diagnostic de neuropathie périphérique des membres inférieurs" alléguée par Tariq Ramadan. Selon sa femme, il se rend au parloir de sa prison en fauteuil roulant.
Relevant "un état dépressif réactionnel à la détention", les médecins estiment que les maux de tête et la perturbation de la marche dont se plaint l'intellectuel sont "très probablement" des troubles physiques liés à "sa situation actuelle".
Après s'être plaint de ces symptômes, il a été hospitalisé au moins deux fois depuis son incarcération. Mais ses adversaires y voient surtout une comédie pour obtenir sa remise en liberté.
Robe tachée
Au-delà du volet médical, la situation de Tariq Ramadan s'est encore assombrie.
Début mars, une troisième plaignante s'est signalée, affirmant avoir subi de multiples viols entre 2013 et 2014 en France, à Bruxelles et à Londres. Cette Lilloise a décrit dans sa plainte des rapports sexuels très violents sous la contrainte, le plus souvent dans des hôtels en marge des conférences à succès du prédicateur, selon un scénario similaire à celui raconté par les autres plaignantes.
Les enquêteurs analysent les enregistrements audio et les messages qu'elle leur a fournis, ainsi qu'une robe noire tachée de sperme, selon une source proche du dossier. Mercredi, une expertise a été ordonnée par les juges pour vérifier si cette tache correspond à l'ADN de M. Ramadan, a ajouté cette source.
En Suisse, une femme a également déposé plainte la semaine dernière contre M. Ramadan, l'accusant de l'avoir violée et séquestrée en 2009 dans une chambre d'hôtel de Genève.
La détention de ce petit-fils du fondateur de la confrérie islamiste des Frères musulmans a suscité un vif émoi au sein de la communauté musulmane. Certains ont dénoncé un "deux poids, deux mesures", voire un "complot" contre une des rares figures médiatiques de l'islam européen, accusée par ses détracteurs de fondamentalisme camouflé sous un discours réformiste.
Son étoile avait cependant déjà commencé à pâlir et rares sont les responsables communautaires à avoir affiché leur soutien. Néanmoins, le mouvement des Musulmans de France (ex-UOIF) a marqué les esprits fin mars quand son président, Amar Lasfar, a exprimé l'espoir que Tariq Ramadan, dont la "pensée reste intacte", soit bientôt "libéré" de prison et "blanchi".
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