L'autorité de contrôle des télécoms russe veut s'attaquer au poids lourd des réseaux sociaux : Roskomnadzor a annoncé mercredi sa volonté de mettre au pas Facebook, qu'il soupçonne de ne pas se plier à la loi russe, et promis de "l'inspecter" d'ici à la fin de l'année.
"Un certain nombre de critères doivent être remplis, comme la localisation sur le territoire russe des bases de données des citoyens russes et l'élimination de toutes les informations interdites", a déclaré le patron de l'agence Alexandre Jarov, ajoutant que "la question du blocage va évidemment se poser".
Au nom de la lutte contre l'extrémisme et le terrorisme, la pression n'a cessé de monter sur l'internet russe ces dernières années, une manière selon des analystes de maîtriser le débat politique et d'étouffer les voix trop critiques.
Pour faire taire Telegram, Roskomnadzor n'a pas lésiné sur les moyens : jusqu'à 19,4 millions d'adresses IP ont été bloquées après la décision de la justice russe, conséquence du refus de la messagerie cryptée de fournir aux services de sécurité (FSB) les clés permettant de lire les messages des utilisateurs.
Tandis que Roskomnadzor estimait mercredi le taux de perturbation du fonctionnement de Telegram à 30%, le sulfureux cofondateur de cette messagerie, Pavel Dourov, affirmait que celle-ci était "restée disponible pour la majorité des résidents russes".
Mais si Telegram restait majoritairement accessible, de nombreux autres sites subissaient de perturbations. C'est le cas des musées du Kremlin, dont les ventes de billets en ligne ont été interrompues pendant plusieurs heures, mais aussi de la messagerie Viber ou des sites de Volvo, de l'agence vidéo de RT ou des services de jeux en ligne de Xbox et Playstation.
Selon toute vraisemblance, ils utilisaient des serveurs partagés avec Telegram, dont les adresses IP ont été bloquées par Roskomnadzor.
A l'inverse, d'autres sites bloqués -tels que des pages à caractère pornographique, extrémiste ou liées aux jeux d'argent- ont été malencontreusement provisoirement débloquées, rapporte le journal en ligne Fontanka.
L'ONG russe de défense des droits de l'Homme Agora, dont les avocats défendent Telegram, a annoncé mercredi envisager des actions en justice, en Russie et devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
'Débrancher complètement internet'
Alors que les critiques pleuvent, et que Pavel Dourov semble en passe de devenir un nouveau héros des opposants au pouvoir, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, interrogé par les journalistes, a laconiquement lâché : "Poutine est au courant".
Ce blocage ne fait pas que des vagues numériques : une dizaine de personnes ont été arrêtées pour avoir manifesté en lançant des avions en papier (le symbole de Telegram) devant le siège du FSB, dont un membre des Pussy Riot, Maria Aliokhina, qui s'est vu infliger 100 heures de travaux d'intérêt général.
"On ne peut entièrement bloquer la messagerie qu'en débranchant complètement internet dans le pays", a écrit le quotidien Vedomosti dans un éditorial, affirmant que les efforts de Roskomnadzor restaient "sans résultats" tandis que les usagers "testent avec succès de nouvelles méthodes de résistance".
De nombreux tutoriels circulent depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, expliquant comment contourner le blocage en utilisant des proxies et des VPN, permettant de simuler une connexion à partir de l'étranger.
Le recours aux VPN a justement explosé en Russie ces derniers jours. Dès lundi, date du début du blocage, le fournisseur NordVPN a par exemple annoncé avoir enregistré une hausse de 150% du nombre de ses utilisateurs en Russie.
Pavel Dourov avait appelé mardi à la "résistance numérique", annonçant son intention d'offrir des bitcoins et des "millions de dollars" aux particuliers et aux entreprises s'employant à contourner le blocage.
"La réponse de Pavel Dourov à la demande totalitaire du gouvernement russe (...), le refus et la résistance, est la seule réponse morale et montre un réel leadership", a déclaré sur Twitter le lanceur d'alerte Edward Snowden.
Fondée en 2013 par les frères Pavel et Nikolaï Dourov, créateurs auparavant du réseau social VKontakte, Telegram compte aujourd'hui 200 millions d'utilisateurs dans le monde, dont 7% en Russie.
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