Depuis le début de l'année, plus de 280 jihadistes étrangères ont été condamnées à mort où à la prison à vie par les tribunaux de Bagdad, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.
"Quand je l'ai épousé, il était chanteur de rap, c'est en arrivant en Turquie que j'ai découvert que mon mari était un jihadiste", a affirmé en arabe cette Française d'origine algérienne de 29 ans à la cour.
Une fois en Turquie, "où nous devions seulement passer une semaine de vacances", "mon mari a été contacté par un homme nommé al-Qourtoubi", a-t-elle raconté.
"Je les ai entendus parler de départ vers la Syrie et l'Irak", a-t-elle dit et aussitôt, ils "m'ont enfermée dans une cave avec mes enfants" Abdallah et Khadija, a-t-elle encore raconté. "Mon mari m'avait dit +je ne veux plus t'entendre+ et il m'a forcé à rester dans cette cave".
Abdallah, dont elle n'a pas donné l'âge, a ensuite "été tué dans un bombardement", au cours de la longue et meurtrière contre-offensive des forces irakiennes pour repousser les jihadistes après leur percée fulgurante de 2014, a-t-elle dit. "Avant sa mort, je pesais 122 kilos, aujourd'hui, à cause de ma tristesse, je n'en pèse plus que 47".
Avant de commencer à l'interroger, le juge a demandé à la jeune femme qui s'est présentée en arabe comme "mère au foyer née en 1989" si elle était assistée d'un avocat.
Brandissant une lettre qu'elle a présentée comme celle "d'un avocat français nommé Martin Pradel transmise par (sa) mère", la jeune femme a indiqué ne pas savoir si son défenseur avait pu faire le déplacement.
A trois reprises, les huissiers de la cour ont appelé l'avocat français par son nom. Faute de réponse, le juge a assigné un avocat commis d'office qui a plaidé pour la clémence, arguant que Djamila Boutoutaou avait été forcée par son mari de rejoindre l'EI.
Dans un communiqué commun, ses avocats Martin Pradel et William Bourdon ont dénoncé les conditions de ce procès. Selon eux, Mme Boutoutaou, les autorités consulaires françaises qu'elle a pu rencontrer dimanche, et eux-mêmes n'étaient pas informés de l'imminence de l'audience.
Ils souhaitent que la France "exige fermement des autorités irakiennes, dans le cadre de la procédure d'appel qui devrait s'imposer, le respect intégral des principes fondamentaux du droit au procès équitable" et qu'elle oeuvre au rapatriement de leur cliente et de son enfant, quand sa condamnation sera définitive.
A l'audience, à la question du juge: "as-tu rejoint l'EI avec ton mari Mohammed Nassereddine et tes deux enfants?", la jeune femme qui a comparu dans un box grillagé vêtue d'une tunique rose et d'un foulard marron, a répondu qu'elle l'avait fait contre son gré.
"Obligée" de rejoindre l'EI
"C'est mon mari qui m'a obligée", a-t-elle insisté. "Pendant les dix mois que j'ai passés en Irak, je n'ai pas vu mon mari qui passait son temps hors de la maison."
"Il a été tué près de Mossoul, alors nos voisins nous ont emmenés à Tal Afar, où la femme de mon voisin et moi-même nous sommes rendues aux peshmergas", les combattants kurdes qui tenaient alors de larges pans du nord de la province de Ninive.
Là, elle a été retenue dans le camp Tel Keif, avec d'autres femmes et enfants de jihadistes.
En pleurs, elle a ajouté: "C'est comme si j'avais passé deux ans en prison: dix mois chez l'EI puis plus d'un an en prison".
Régulièrement, des ressortissantes étrangères sont condamnées à la perpétuité ou à la peine capitale en Irak pour avoir rejoint l'EI.
Depuis janvier, 97 femmes ont été condamnées à mort, 185 à la prison à vie, 15 à trois ans de prison et une à un an de prison, selon une source judiciaire. La plupart des condamnées sont Turques, ou originaires des anciennes républiques de l'Union soviétique.
Une Allemande a également été condamnée à la peine capitale.
Dans un verdict tranchant avec la sévérité habituellement observée, une autre Française, Melina Boughedir, 27 ans, avait été condamnée en février à sept mois de prison. Cette clémence s'explique par le fait qu'elle n'était pas jugée au titre de la loi sur le terrorisme mais sur l'accusation de séjour illégal en Irak.
La loi antiterroriste irakienne permet d'inculper des personnes qui ne sont pas impliquées dans des actions violentes mais soupçonnées d'avoir aidé l'EI. Elle prévoit la peine capitale pour appartenance au groupe jihadiste même pour des non-combattants.
Environ 20.000 personnes ont été arrêtées au cours de la contre-offensive irakienne.
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