Dix jours après l'attaque chimique présumée, l'agence de presse officielle syrienne Sana a annoncé l'arrivée d'"experts de la commission des armes chimiques" à Douma, où plus de 40 personnes auraient péri sous l'effet des gaz toxiques le 7 avril au moment où la ville était encore aux mains des rebelles.
Le 14 avril, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni, qui ont accusé le régime syrien d'être derrière cette attaque chimique présumée aux portes de Damas, ont mené des frappes en Syrie en représailles.
Le pouvoir de Bachar al-Assad et la Russie ont démenti toute implication, accusant les rebelles de "mise en scène" et réclamant une mission de l'OIAC pour enquêter sur des "allégations".
Les experts de l'OIAC ont débuté leur mission dimanche, soit 10 jours après les faits, en s'entretenant avec des officiels dans la capitale syrienne, mais n'avaient pas encore pu jusqu'alors entrer à Douma.
"Problèmes de sécurité"
La Russie et la Syrie avaient invoqué des "problèmes de sécurité", des routes devant notamment être déminées.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a nié toute mauvaise volonté, qualifiant les informations faisant état d'une "entrave" aux inspecteurs de l'OIAC de "sans fondement" et se disant "pour une enquête impartiale".
Dans un contexte diplomatique déjà crispé par les frappes de samedi, les Occidentaux ne cessent d'afficher leurs doutes.
"Les Russes pourraient avoir visité le site de l'attaque. Nous craignons qu'ils ne l'aient altéré dans l'intention de contrecarrer les efforts de la mission de l'OIAC pour mener une enquête efficace", a déclaré lundi l'ambassadeur américain auprès de l'OIAC, Ken Ward.
"Cela soulève de sérieuses questions sur la capacité de la mission d'enquête de faire son travail", a-t-il estimé.
La France a aussi jugé mardi "très probable que des preuves et des éléments essentiels disparaissent", dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Le Royaume-Uni a quant à lui exhorté l'OIAC à "demander des comptes aux auteurs de l'attaque", alors que les inspecteurs de cette instance ont pour mandat d'enquêter sur l'éventuelle utilisation d'armes chimiques mais pas d'en identifier les auteurs.
Pour les Français, la priorité est le démantèlement total du programme chimique syrien. "La Syrie a conservé un programme chimique clandestin depuis 2013", a assuré lundi l'ambassadeur français à La Haye, Philippe Lalliot.
En 2013, après une attaque au gaz sarin dans la Ghouta orientale, où est située Douma, qui déjà avait fait plusieurs centaines de morts selon les Occidentaux, le régime de Bachar al-Assad avait fini par rejoindre l'OIAC sous la pression internationale, et pris l'engagement formel de déclarer tous ses stocks et de ne plus jamais utiliser d'armes chimiques.
"Fausse alerte"
En 2014, l'OIAC avait affirmé que la Syrie s'était débarrassée de ses armes chimiques. Mais en 2017 une mission conjointe avec l'ONU avait finalement conclu que Damas avait utilisé du gaz sarin contre le village de Khan Cheikhoun (nord-ouest) où 80 personnes avaient péri.
C'est dans ce contexte tendu que les médias syriens ont annoncé dans la nuit de lundi à mardi une "agression", affirmant avoir abattu des missiles, avant de se rétracter mardi matin.
"Une fausse alerte concernant une violation de l'espace aérien durant la nuit a entraîné le déclenchement des sirènes de la défense aérienne", a reconnu l'agence officielle Sana, citant une source militaire.
Cette annonce intervient trois jours après les frappes occidentales sur la Syrie qui "ne règlent rien", a affirmé mardi le président français Emmanuel Macron.
Les trois puissances occidentales sont intervenues avant tout pour "l'honneur de la communauté internationale", a-t-il dit devant le Parlement européen à Strasbourg.
Il a plaidé en outre à "travailler à une solution politique inclusive pour la Syrie en parlant à tous les parties (...) pour construire la Syrie de demain et réparer ce pays" par la voie diplomatique.
Mais "pour qu'une initiative diplomatique marche, l'équilibre sur le terrain doit changer, sinon le régime, soutenu par la Russie et l'Iran, aura toujours l'ascendant", estime l'ancien diplomate américain Nabil Khoury, aujourd'hui expert de l'Atlantic Council.
Pour lui, "en l'état, même avec les dernières frappes, l'Occident n'a pas sa place autour de la table".
Plus de 350.000 personnes ont été tuées depuis 2011 dans le conflit en Syrie qui s'est complexifié au fil des ans avec l'implication de pays étrangers et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé.
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