Il n'y aura pas d'union sacrée sur les bancs de l'Assemblée nationale et du Sénat. Deux jours après les frappes menées par Paris, Londres et Washington en Syrie, plusieurs élus de l'opposition ont dénoncé "une démonstration symbolique de force", violant "le droit international".
"Emmanuel Macron n'a pas pu apporter le début d'un commencement de preuves de ce qui a justifié les frappes", a accusé la députée et présidente du FN Marine Le Pen.
Le chef de l'Etat a longuement justifié dimanche sa décision de frapper des sites de production d'armes chimiques du régime de Bachar al-Assad, affirmant que, même sans mandat onusien, c'est "la communauté internationale" qui est "intervenue".
"Le président de la République sait très bien qu'il a violé le droit international (...) La communauté internationale n'est pas intervenue car il n'y a pas eu de vote à l'ONU", a rétorqué la présidente du FN.
"On attend (les) preuves"
Même critique du côté de LR, le chef de file des sénateurs de droite Bruno Retailleau jugeant que "l'intervention n'était pas légale".
"Je crains les effets pervers de ce genre de frappes" qui peuvent "renforcer le régime et l'ennemi numéro un, le terrorisme islamiste", en donnant "l'image d'un Occident hostile au monde arabo-musulman", a-t-il ajouté.
Pour le député LR de l'Ain Damien Abad, l'attaque est "moralement justifiée mais stratégiquement dangereuse et politiquement inefficace". Des frappes peuvent se faire "à une seule condition: qu'on ait les preuves. On attend ces preuves aujourd'hui".
"On nous parle d'internationalisme quand il s'agit de trois nations qui ont décidé", fustige la députée LFI de Paris Danièle Obono, parlant d'une "démonstration symbolique de force".
"Vous vous êtes laissé embarquer dans une aventure qui participe de l'escalade derrière", a-t-elle lancé sur BFMTV/TV à la députée LREM Amélie de Montchalin.
"Les armes chimiques ne font aucun doute (...) Tous les services de renseignement aujourd'hui le prouvent", a défendu cette dernière, dénonçant également les vétos russes répétés au Conseil de sécurité.
Dans l'opposition, plusieurs voix approuvent les frappes. Le premier secrétaire du PS Olivier Faure est favorable à une intervention "limitée dans le temps, dans l'espace (et) sur ses cibles", y voyant un signal "utile" et appelant maintenant à "une offensive diplomatique".
L'ex-ministre de la Défense, le centriste Hervé Morin, soutient lui aussi une réponse "adaptée, parce qu'il fallait éviter absolument l'engrenage", mais demande "des preuves formelles provenant de source française" sur l'utilisation d'armes chimiques.
"Voir qui est avec qui"
Pour le président de l'Assemblée François de Rugy (LREM), le débat doit permettre au gouvernement de s'exprimer et aux groupes parlementaires d'avancer leurs positions.
Mais, a-t-il souligné, il permettra aussi "aux Français" de "voir qui est avec qui", qui parmi les parlementaires "fait preuve d'une grande mansuétude, pour ne pas dire une grande faiblesse, à l'égard de la Syrie de Bachar al-Assad mais aussi de la Russie".
Dans le même temps des enquêteurs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques ont commencé une mission en Syrie sur l'attaque du 7 avril.
En plus des questions de légitimité, le gouvernement pourrait avoir à répondre de sa coordination avec l'administration Trump. Alors qu'Emmanuel Macron a assuré dimanche avoir "convaincu" le président américain de "rester dans la durée" en Syrie, la Maison Blanche a affirmé dans la nuit que la mission des forces américaines "n'a pas changé" et que Washington souhaitait leur retour "dès que possible".
"Ou Emmanuel Macron parle très mal anglais, ou Donald Trump parle très mal français", a ironisé le député FN Sébastien Chenu.
Pendant ce temps à l'Elysée, Emmanuel Macron recevra en fin de journée des ONG syriennes. Le président avait tenu à rappeler dimanche que si la Constitution garantissait une "'information" du Parlement, c'est aussi elle qui "décide que le chef des armées, c'est le chef de l'Etat".
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