Après avoir résisté cinq années au siège le plus long du conflit, la Ghouta a été déclarée officiellement "nettoyée" samedi soir, à l'issue d'une offensive lancée le 18 février par le régime et durant laquelle plus de 1.700 civils ont été tués, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Cette reconquête était cruciale pour le régime qui en avait fait son principal objectif depuis le début d'année.
Elle met d'abord fin aux tirs meurtriers d'obus et de roquettes rebelles sur la capitale. Mais elle permet également au président Assad, qui a renversé depuis 2015 une situation militaire défavorable grâce au soutien des Russes et des Iraniens, de contrôler désormais plus de de la moitié de la Syrie, où vivent les deux tiers de la population.
Le régime va-t-il en profiter pour tenter de liquider les dernières poches qui échappent à son contrôle à Damas et autour?
Le quotidien prorégime Al-Watan juge que la priorité pourrait être de "régler définitivement la question du sud de la capitale", notamment dans le camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, où subsiste un réduit dominé par le groupe Etat islamique (EI).
Pour de nombreux experts, la prochaine cible pourrait toutefois être la province de Deraa, un des berceaux de la contestation anti-Assad en 2011.
Commerce transfrontalier
Proche de la Jordanie et du Golan annexé par Israël, la province est morcelée entre différents groupes rebelles, qui en contrôlent près de 70%, les forces du régime et l'EI, qui y maintient une moindre présence.
"La libération de la Ghouta orientale signifie la fin de la menace contre Damas. Il serait logique que le gouvernement syrien redéploie ses forces dans le Sud, pour en finir avec la situation à Deraa", juge Bassam Abou Abdallah, directeur du Centre de Damas pour les études stratégiques.
Selon lui, le régime y mettra en oeuvre une tactique similaire de "pression militaire pour parvenir à un règlement".
Dans la Ghouta, comme ailleurs auparavant, le pouvoir syrien et son allié russe ont associé bombardements intensifs et combats au sol, avant d'entamer des négociations séparées avec les différents groupes rebelles, écrasés par le déluge de feu.
Julien Théron, spécialiste du conflit syrien, rappelle que "le régime s'est longtemps focalisé sur Deraa en essayant de percer la zone rebelle jusqu'à la ville" éponyme, dont des quartiers sont tenus par les insurgés et d'autres par l'armée.
Pour cet analyste, le contrôle par les rebelles de la frontière sud "entache l'image du régime redevenu maître de son territoire".
Et la reprise du commerce terrestre avec la Jordanie, notamment via le poste frontalier de Nassib, représenterait un apport financier précieux pour Damas.
Deraa avant Idleb ?
Mais ces zones dans le sud de la Syrie sont "particulièrement sensibles", prévient Sam Heller, analyste à l'International Crisis Group.
"Elles sont situées entre Damas et les frontières jordanienne et israélienne, et toute action militaire pourrait avoir des effets sur la sécurité intérieure de ces trois pays", dit-il.
Dans le nord-ouest du pays, près de la frontière avec la Turquie, une autre province, celle d'Idleb, échappe encore quasi intégralement au régime.
Elle est dans sa grande majorité contrôlée par l'organisation jihadiste Hayat Tahrir al-Cham, dominée par l'ex-branche syrienne d'Al-Qaïda et engagée dans des luttes intestines avec des groupes islamistes.
Mais Idleb "n'est pas dans le collimateur de Damas jusqu'à nouvel ordre, car elle fait l'objet de calculs davantage géopolitiques que militaires", assure M. Heller.
"Le destin d'Idleb est lié à ce qui se trame en coulisses entre la Turquie (qui soutient l'opposition, ndlr) et la Russie", souligne-t-il.
C'est dans cette province, qui compterait 2,5 millions d'habitants dont plus d'un million de déplacés, que le régime envoie quasi systématiquement les combattants et leurs familles évacués de zones reconquises aux rebelles.
Difficile en tout cas d'envisager une offensive simultanée contre Idleb au nord et Deraa au sud.
"Cela nécessiterait la mobilisation de forces impressionnantes alors que le régime a dû user de ses plus importantes forces juste pour reprendre la Ghouta", d'une superficie bien plus modeste, estime M. Théron.
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