C'est à 400 kilomètres de leur foyer, déplacés dans un camp de tentes près d'Al-Bab dans le nord-ouest de la Syrie, qu'ils ont découvert samedi que des raids ont été menés par Washington, Paris et Londres contre des cibles militaires du régime.
Ces frappes sont une réponse à une attaque chimique présumée qualifiée de "monstrueuse" par le président américain Donald Trump et qui avait visé leur ville d'origine, aujourd'hui sous contrôle du régime.
Pour Nadia Sidaoui, rencontrée par un correspondant de l'AFP dans ce camp de déplacés, les sentiments se mêlent après cette action des Occidentaux.
"Nous sommes contents de voir que quelqu'un a enfin senti qu'on existait", glisse cette mère de huit enfants. Mais, ajoute-t-elle, "les frappes menées n'ont pas eu vraiment d'impact" sur Bachar al-Assad.
Douma, dans la Ghouta orientale près de Damas, avait été une des premières villes à se rebeller contre le président syrien en 2011 dans la foulée des Printemps arabes.
Après la répression dans le sang par le régime de manifestations pacifiques en faveur de réformes démocratiques, la Syrie avait alors basculé dans une guerre qui a fait plus de 350.000 morts.
Assiégés pendant cinq ans et soumis ces dernières semaines à des bombardements intenses et dévastateurs, les rebelles et des civils de Douma, comme Nadia Sidaoui, ont finalement accepté d'être évacués vers des zones rebelles dans le nord-ouest du pays.
Après ces années de souffrances --l'ONU a parlé d'enfer sur terre dans la Ghouta orientale-- ils attendent davantage des Occidentaux.
Ils doivent "se venger de la Russie, de l'Iran et du régime, qu'ils nous débarrassent d'eux le plus vite possible parce qu'ils ont occupé notre pays et notre terre", peste-t-elle, en allusion aux combattants russes et aux milices chiites pro-iraniennes qui soutiennent les forces gouvernementales.
"On souhaite le voir (Bachar al-Assad) souffrir sans mourir, comme nous nous avons souffert", s'emporte-t-elle.
"Piqûre d'anesthésie"
Pour Ahmad, les frappes de samedi, ponctuelles et ciblées, ne sont "qu'une piqûre d'anesthésie".
"S'ils ne poursuivent pas les frappes, Assad ne va pas tomber. Ils vont bombarder un ou deux jours, puis le régime va de nouveau utiliser la force contre nous", déplore ce mécanicien de 25 ans.
Depuis plus de sept ans que dure la guerre civile, "tout le monde nous a déçus, tout le monde nous a vendus", estime Ahmad.
"Nous ne sommes pas dupes. Cette comédie ne passe plus", lâche de son côté Abou Adnane al-Doumani, 42 ans.
"Les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont toujours dit qu'ils étaient les amis du peuple syrien. Ils se sont avérés être nos premiers ennemis car Bachar al-Assad est en réalité leur chouchou. Ils le laissent faire ce qu'il veut, en le rassurant que le Conseil de sécurité (de l'ONU) existe et que la Russie peut utiliser son veto" pour bloquer des actions contre lui, estime-t-il.
Il ne s'avère pas plus tendre contre les pays arabes.
"Pour moi, tout le peuple arabe est traître. Il n'y pas eu une seule manifestation dans la région en soutien au peuple syrien ou pour dénoncer l'usage d'armes chimiques", ajoute Abou Adnane al-Doumani.
Saleh Ibrahim, un jeune homme de 26 ans qui s'est battu dans les rangs du groupe rebelle islamiste Jaich al-Islam à Douma, n'est "pas optimiste" sur les conséquences des frappes occidentales.
Sa faction, qui tenait Douma, a été la dernière à quitter la Ghouta orientale après avoir accepté un accord d'évacuation au lendemain de l'attaque chimique présumée.
"On espère quand même, surtout dans notre situation de réfugiés, que les Occidentaux auront pitié des familles déplacées, qu'ils délogent Bachar al-Assad et qu'on puisse revenir chez nous", explique-t-il.
Ahmad le mécanicien veut aussi revenir dans la Ghouta. "J'espère qu'un jour, nous reviendrons dans notre région et que nous la reprendrons à ce régime corrompu et perfide".
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