Grâce à cette image symbolique d'un jeune manifestant vénézuélien transformé involontairement en torche humaine, Ronaldo Schemidt a décroché jeudi le prestigieux World Press Photo de l'année.
C'est une reconnaissance internationale qui s'accompagne toutefois de sentiments mêlés chez ce photographe de nationalité vénézuélienne.
"Je ressens des émotions contradictoires" confie-t-il. "J'ai des amis et ma famille là-bas. Je sais comme tout le monde ce que le Venezuela traverse".
Ronaldo Schemidt, 46 ans, a quitté son pays il y a dix-huit ans - comme l'ont fait beaucoup d'autre jeunes - et travaille désormais comme photographe au bureau de l'AFP à Mexico.
Sa propre famille, restée au pays, subit l'hyperinflation et les pénuries qui ont déclenché les manifestations, quatre mois d'affrontements urbains qui ont fait 125 morts.
Il s'est rendu au Venezuela pour photographier les moments clés de l'histoire récente du pays, documentant la descente vers le chaos de ce pays pétrolier jadis florissant où il a passé son enfance.
Il est resté au total deux mois l'an dernier à photographier la crise vénézuélienne, au cours de laquelle les manifestants descendaient chaque jour dans les rues pour affronter les forces du régime du président Nicolas Maduro.
Être au bon endroit au bon moment, c'est ce qui caractérise dit-on un photojournaliste de talent. Mais la seule chance n'est pas suffisante.
Lorsque le 3 mai 2017 il s'est trouvé au bon endroit pour capter l'une des photos les plus dramatiques et symboliques des violences en cours, c'est aussi parce qu'il a aiguisé son instinct à force de photographier la rue vénézuélienne.
A la fin d'une longue journée de couverture, Schemidt avait décidé de suivre un petit groupe de manifestants qui remontait en courant une des rues de Caracas.
Un véhicule blindé a renversé l'un d'eux. D'autres sont parvenus à s'emparer d'une moto des forces de l'ordre, qui est aussitôt devenue un trophée pour les manifestants.
Quelques instants après, le réservoir de cette moto explosait à quelques mètres du photographe, transformant en torche humaine un manifestant de 28 ans, Victor Salazar, qui sortira vivant du drame.
"Ce qu'on ne peut pas éviter dans notre travail, c'est de prendre les choses personnellement" assure Schemidt. "Durant plusieurs jours, l'image m'a poursuivie".
L'art d'être préparé
Ronaldo Schemidt a grandi à Caracas où il a étudié l'anthropologie à l'Université centrale du Venezuela, avant de partir au Mexique en 2000 pour se former à la photographie à Puebla (centre), s'initiant aux différents styles photographiques (nature, studio, etc.)
Mais à ses professeurs, il martelait qu'"il ne voulait apprendre qu'une seule chose: le photojournalisme", se souvient-il.
Il a débuté comme pigiste pour l'AFP dans cette ville en 2003, avant d'être embauché au bureau de Mexico en 2006.
Outre la crise vénézuélienne, il a couvert ces dernières années plusieurs grands événements en Amérique latine, de la Coupe du Monde de football au Brésil en 2014 à la mort de Fidel Castro en 2016 en passant par les séismes qui ont frappé le Mexique en 2017.
Il raconte qu'il est attiré par des événements où se mêlent une poussée d'adrénaline et une préparation minutieuse.
"J'aime être sur le terrain, et j'aime cette préparation, en sachant que tu vas être dehors pour faire un boulot dur, tenter de rapporter de bonnes images dans des conditions très difficiles" dit-il.
Mais une bonne préparation n'évite pas forcément les cicatrices.
Ronaldo est rentré du Venezuela avec deux blessures légères à la jambe provoquées par des impacts de projectiles. Il a également dû subir plusieurs injections pour stopper une réaction allergique déclenchée par l'exposition prolongée aux gaz lacrymogènes.
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