Des avocats en robe des barreaux venus notamment de Dieppe, Amiens, Bethunes, Aix-en- Provence, Libourne, Bayonne, Tours ont défilé derrière la banderole "Pour une justice de qualité et accessible". Les manifestants, qui étaient 4.000 selon la police et entre 6.000 et 7.000 selon les organisateurs, ont marché de la place du Châtelet jusqu'à la rue de la Paix toute proche de la place Vendôme, où se situe le ministère de la Justice.
Les avocats de Valenciennes avaient amené un cercueil pour cette nouvelle journée "justice morte". Quelques messages sur les pancartes: "Justice sans juge. Ils sont devenus fous à Bercy", "Cheminot en robe noire"... Un magistrat avait lancé lundi à des avocats niçois en grève: "Vous êtes des cheminots en robe noire ! (...) Vous êtes la honte de la profession!".
A quelques jours de la présentation en Conseil des ministres, le 18 avril, du projet de loi, des avocats étaient aussi mobilisés dans les juridictions, notamment à Annecy, Marseille et Nice.
En octobre, le gouvernement avait lancé cinq grands chantiers: les procédures pénale et civile, le sens et l'efficacité des peines, l'organisation territoriale, la numérisation. Ce projet, très vaste, a déjà provoqué plusieurs journées de mobilisation, particulièrement suivies chez les avocats.
"Beaucoup trop de mesures sont dictées par des soucis d'économies. Il faut un rattrapage budgétaire. Le budget de la justice en France est deux fois moins important qu'en Allemagne", a dénoncé auprès de l'AFP Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux.
Les négociations se poursuivent cependant entre les représentants des avocats et la chancellerie. Il y a eu "des avancées", a-t-elle reconnu. "Mais il nous reste plusieurs points importants à régler", a-t-elle ajouté.
Grèves perlées
Le ténor du barreau Me Henri Leclerc a manifesté au côté d'autres avocats pénalistes parisiens. Ces derniers sont notamment remontés contre l'expérimentation d'un tribunal criminel départemental, où seront jugés les crimes passibles de 20 ans de réclusion criminelle.
"On coupe en deux les crimes. Il y aura donc des + petits crimes +, ceux qui ne méritent pas les assises et qui seront jugés devant ce nouveau tribunal", a déploré l'avocat Jérémie Boccara.
Florent Berdeaux, avocat spécialisé en droit de la famille, dénonce le fait que selon la réforme, "la révision des pensions alimentaires sera effectué par les directeurs de la Caisse d'allocations familiales, et non plus par un juge aux affaires familiales".
"Nous refusons la suppression de la fonction spécialisée du juge d'instance", a dit pour sa part Virgine Duval, présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). Plus de 250 juges d'instance ont adressé une lettre le 30 mars à la ministre de la Justice Nicole Belloubet, s'inquiétant d'une fermeture des tribunaux d'instance.
Ce sujet était très présent dans la manifestation, même si la chancellerie affirme que le projet de réforme "prévoit de maintenir tous les tribunaux d'instance". La ministre "s'engage au maintien du contentieux actuellement traité dans ces tribunaux".
A Annecy, Me Anne-Sophie Sajous a critiqué la forte place accordée à la numérisation de la justice dans ce projet de loi, notamment en cas de petits litiges, de la compétence jusqu'ici des juges d'instance.
Avec ce projet, il s'agirait pour le justiciable de "saisir soi-même en ligne le problème que l'on rencontre avec la nounou, le voisin", en se passant de la spécialité du juge d'instance. "Nous irions vers une résolution des litiges par un traitement algorithmique. C'est une robotisation des décisions."
Des avocats de plusieurs barreaux, dont Châlons-en-Champagne (Marne) et Saintes (Charente-Maritime), ont par ailleurs lancé des grèves perlées, à l'image de la SNCF.
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