Originaire de Nancy, M. Gigi alias Djibril Siby est incarcéré en 1990 pour usage de faux chèques et écope de 18 mois ferme : une expérience qui l'a marqué à vie et dont il a souhaité faire le récit dans un seul en scène, imaginé à Avignon il y a un an et demi avec la complicité de Franck Bizet et de Jérôme Esselin à l'écriture.
Comment avez-vous eu le désir de raconter cet épisode douloureux ?
"Je collaborais depuis longtemps avec Franck et Jérôme car je me produis régulièrement pour des seuls en scène humoristiques. Cependant jusqu'alors, ils ne connaissaient rien de mon passé carcéral. À l'occasion de la visite d'une prison désaffectée transformée en musée à Avignon, je leur ai confié cette part cachée de mon histoire personnelle et nous avons eu l'idée d'en faire un spectacle. Voilà comment est né ce projet d'écriture. Jusqu'alors je me produisais dans un registre comique mais cela m'a donné l'occasion de m'essayer à un autre registre. Ce récit a été possible parce qu'il y a aujourd'hui prescription et aussi parce qu'il n'y a pas eu atteinte à personne."
Qu'est-ce que l'histoire de votre incarcération apporte au spectateur ?
"Franck et Jérôme m'ont aidé à mettre des mots juste sur mon récit mais je voulais surtout être authentique. C'est une histoire vraie, racontée à la première personne : c'est le récit d'une expérience. Ce seul en scène nous renseigne sur le quotidien de la prison. Jamais jusqu'alors cela n'a été raconté par ceux qui l'ont vécu et l'image que l'on peut avoir de ce quotidien par les avocats ou les visiteurs de prisons ne peut pas être aussi réaliste."
Quelles ont été les conditions d'incarcération ?
"J'ai été incarcéré en 1990. Je vivais à Nancy mais j'ai été arrêté à Nice, prison dans laquelle j'ai passé un an puis j'ai été transféré à Caen donc dans l'impossibilité de recevoir mes proches en visite. J'étais véritablement isolé moralement. À Nice, la prison était surpeuplée et je partageais ma cellule avec neuf codétenus. À cause de cette surpopulation, il n'y avait pas d'activité salariée possible et les détenus étant contraints à l'oisiveté, les rixes étaient fréquentes. Le climat est toujours effervescent en prison et on ne trouve le calme que vers 3 heures du matin. J'ai voulu témoigner de cette atmosphère particulière. Il est également difficile de se procurer quoi que ce soit sans l'aide des proches : des vêtements de rechange aux produits de première nécessité. Je parle de tous ces détails du quotidien dans mon spectacle et, depuis sa création, les spectateurs qui sont issus du monde carcéral, ex-détenus, force de police ou encore représentant de la justice, me contactent pour me dire que les conditions n'ont hélas pas changé. Même si le but principal était de livrer un témoignage, ce seul-en-scène, malgré tout, dénonce cela."
Comment se compose le spectacle ?
"Du jour de l'arrestation au jour de la libération, on suit les différentes étapes de ma détention comme le passage devant le juge d'application des peines. Le spectacle se construit comme un long monologue. Le décor est épuré : une cellule reconstituée et la barre du prétoire suffisent à suggérer les principaux lieux de l'action et l'ambiance qui s'en dégage. J'ai choisi de traduire la réalité des choses, sans avoir recours à un ton plaintif. Malgré la gravité du sujet, le spectacle fait parfois rire, car rétroactivement, certaines situations vécues étaient véritablement absurdes mais bien sûr je ne pouvais pas en rire à l'époque."
Pratique. Samedi 14 avril à 20 h 30 au Théâtre de l'Almendra à Rouen. De 12 à 15 €. billetreduc.com
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