Au grand dam de la gauche de la gauche, les députés ont donné leur aval par 74 voix contre 20 à un amendement du gouvernement qui prévoit qu'à compter du 1er janvier 2020, "la société nationale à capitaux publics SNCF et ses filiales constituent un groupe public unifié". Celui-ci sera soumis "aux dispositions du code de commerce relatives aux sociétés anonymes" et aura un capital "intégralement détenu par l'État".
D'autres amendements qui restaient à examiner dans le cadre des débats en première lecture sur le texte, doivent autoriser le gouvernement à prendre par voie d'ordonnance dans un délai de 12 mois des mesures pour "fixer les conditions de création du groupe public" et ses "conditions de fonctionnement", notamment en matière de gouvernance.
A l'ouverture des discussions, la ministre des Transports Elisabeth Borne avait défendu globalement une réforme "impérative" et plaidé pour un débat "délesté des fantasmes et des contre-vérités qui le polluent", notamment sur le changement de statut qui n'est pas une privatisation. Vantant une réforme "pour les usagers", elle avait aussi récusé toute volonté du gouvernement de "passer en force".
"Thatcher relookée"
Mais à l'unisson des syndicats, les Insoumis et communistes n'ont eu de cesse de monter au créneau contre la réforme, y compris en recourant à des débats de procédure avec des rappels au règlement. Ils ont accusé respectivement le gouvernement de "vouloir porter à la ceinture le scalp" des cheminots ou de bâtir la réforme "sur des contre-vérités".
Sur le statut de l'entreprise, "le modèle de ce gouvernement, c'est (Margaret) Thatcher relookée", a notamment commenté le communiste Sébastien Jumel, tandis que pour L'Insoumis Loïc Prud'homme "c'est un premier pas vers la privatisation".
Nouvelle Gauche a aussi affiché ses "divergences" sur la dette, les investissements ou encore le statut des cheminots, le nouveau patron du PS, Olivier Faure, prédisant au gouvernement qu'il va "rencontrer la colère" des Français.
En défense, plusieurs élus LREM ont appelé la gauche à "sortir des caricatures" ou défendu le "courage" de la réforme, Laurianne Rossi, ex-employée du groupe ferroviaire, dénonçant ceux qui voudraient "figer le train de la SNCF dans un passé de carte postale".
LR, pour qui la réforme n'est pas assez "courageuse", a aussi dénoncé "un texte bâclé", critiquant à l'instar de la gauche la méthode avec des amendements du gouvernement "arrivés en catimini". Le groupe de droite a aussi plaidé en vain pour inscrire dans la loi la sauvegarde des "petites lignes".
Interpellée tout au long des débats sur "l'angle mort" de la dette du groupe ferroviaire, la ministre a assuré que le gouvernement y travaillait "sérieusement", affirmant qu'il s'agit "d'éviter qu'elle se reconstitue".
Peu avant l'ouverture des débats en première lecture, plusieurs centaines de cheminots et sympathisants s'étaient rassemblés non loin du Palais Bourbon, pour défendre "l'avenir du service public ferroviaire".
"Cheminots en colère" ou "ça va péter!", scandaient les manifestants, chasubles aux couleurs de leurs syndicats (CGT, Unsa, Sud, CFDT, FO) sur le dos. Environ 300 d'entre eux sont ensuite partis en manifestation sauvage vers la tour Eiffel avant de se disperser. Des rassemblements et défilés ont aussi eu lieu à Lyon, Lille, ou Marseille.
Reprise "progressive"
Après une deuxième séquence de deux jours de grève, et un trafic resté "très perturbé" lundi, la SNCF prévoyait pour mardi une "reprise progressive" du trafic. La circulation des TGV sera normale mais les lignes régionales (Transilien et TER) et Intercités resteront légèrement perturbées.
Face au conflit, qui a déjà coûté "une centaine de millions d'euros" à la SNCF selon son patron Guillaume Pepy, le Premier ministre avait assuré dimanche que l'exécutif irait "jusqu'au bout" de son projet. Pour Edouard Philippe, les grandes lignes de la réforme ne sont "pas négociables", la discussion n'étant possible que sur ses "modalités".
"Pour l'instant, on est face à un mur" et les cheminots n'ont "aucun" autre choix que la grève, a répliqué le leader de la CGT, Philippe Martinez. Son homologue de la CFDT, Laurent Berger, s'est inquiété d'une guerre des mots où "chacun montre ses muscles".
Avec la concertation, le ministère des Transports "a occupé le terrain pour jouer la montre et maintenant on est devant le fait accompli", a relevé Roger Dillenseger (Unsa-ferroviaire). Le gouvernement "se limite à gagner du temps", jusqu'à ce que le passage à l'Assemblée soit terminé, a ajouté Erik Meyer (SUD-Rail).
Resté discret jusqu'ici, le président Emmanuel Macron va entrer dans l'arène jeudi, dans le journal de 13H de TF1. Quelques heures avant le prochain épisode de grève.
bur-jta-sp-chl/sma
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