Le succès du dirigeant le plus controversé d'Europe est sans appel : selon des résultats quasi-définitifs, le parti Fidesz, qu'il a fondé en 1988, obtient 48,8% des suffrages, améliorant son score d'il y a quatre ans et lui offrant un troisième mandat d'affilée.
Il devance de près de trente points le Jobbik, formation d'extrême droite qui a abandonné la rhétorique xénophobe face à la surenchère nationaliste du gouvernement.
"C'est un raz-de-marée pour le Fidesz, qui donne à M. Orban une énorme légitimité en raison du taux de participation élevé, y compris au plan international", a estimé pour l'AFP le politologue Daniel Hegedus, de l'observatoire des libertés Freedom House, prédisant un renforcement "des attaques contre la frange critique de la société civile".
Modèle Orban
Avec une mobilisation des électeurs en hausse (69,2%), le Premier ministre a frémi jusqu'au bout mais son camp devrait finalement décrocher 133 sièges sur les 199 du Parlement soit une "super-majorité" des deux tiers, comme en 2010 et 2014, qui permet de faire voter des changements constitutionnels.
Le dirigeant de 54 ans aux diatribes contre "l'invasion migratoire", le multiculturalisme et l'ingérence supposée de "Bruxelles" incarne une droite européenne décomplexée et constitue un casse-tête pour une partie des Etats membres de l'UE.
Viktor Orban a engrangé lundi aussi bien les félicitations de la grande famille démocrate-chrétienne du Parti populaire européen (PPE), dont le Fidesz est membre, que des mouvements nationalistes qui ont le vent en poupe sur le continent et pour lesquels il incarne un modèle de gouvernement.
"L'inversion des valeurs et l'immigration de masse prônées par l'UE sont à nouveau rejetées", s'est réjouie la patronne du Front national français, Marine le Pen, dont les félicitations se sont ajoutés à celles du député néerlandais anti-islam Geert Wilders, de représentants du parti nationaliste allemand AfD, du député britannique pro-Brexit Nigel Farage, du dirigeant du parti italien d'extrême droite La Ligue, Matteo Salvini, qui convoite le poste de Premier ministre depuis les élections du 4 mars.
En plus de l'axe formé avec ses voisins d'Europe centrale, Viktor Orban a affirmé pendant sa campagne vouloir travailler avec l'Italie et l'Autriche à une alliance de pays hostiles à l'immigration musulmane.
Le Chancelier autrichien Sebastian Kurz, qui gouverne avec l'extrême droite, a été l'un des quelques dirigeants européens, avec le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, à saluer sa victoire. Tous trois partagent la vision d'une Europe des Etats-nations, rétifs aux délégations de souveraineté.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker va féliciter le Premier ministre hongrois, qu'il avait affectueusement appelé "dictateur", il y a quelques années.
Tour de vis
Mais Viktor Orban ne s'est jamais ému des critiques de la Commission européenne et de nombreux observatoires internationaux, alors que le Fidesz est accusé d'avoir muselé depuis 2010 de nombreuses institutions et contre-pouvoirs du pays, comme les médias et la justice, mais aussi l'économie et la culture. Le tout légalement, grâce à sa super-majorité au Parlement.
Avant l'élection, le Premier ministre avait dit vouloir prendre des mesures "morales, politiques et juridiques" contre ses adversaires dans la foulée des législatives, laissant craindre un nouveau tour de vis envers les organisations de la société civile, la liberté d'expression et le pluralisme.
"Cela va être encore pire maintenant. Ils vont perdre tout contrôle, être en totale confiance et personne ne s'intéressera à ce qui se passe dans ce pays", s'inquiétait lundi Laszlo, un retraité de Budapest.
Un nouveau train de mesures, planifié avant les législatives, envisage de taxer les ONG "qui soutiennent l'immigration". Ce texte baptisé "Stop Soros", en référence au milliardaire américain d'origine hongroise George Soros dont Viktor Orban a fait son bouc-émissaire, sera parmi les premiers présentés au nouveau Parlement, a confirmé le Fidesz lundi.
"Nous ne nous laisserons pas intimider par ceux qui tentent de museler les voix critiques en Hongrie et de créer une atmosphère de peur", a prévenu lundi l'organisation Amnesty International.
La gauche et les libéraux, qui dénonçaient la déliquescence des services publics de santé, l'émigration des jeunes, les pratiques douteuses et le clientélisme des cercles du pouvoir, ne sont pas apparus comme des alternatives crédibles.
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