Pham Tien Tiep fait partie de cette génération de "hipsters" tentant d'introduire des changements dans l'art de vivre, en se tenant loin de la politique, dans ce pays communiste à parti unique où les voix discordantes ne sont pas tolérées.
Son cocktail phare se compose des herbes qui d'ordinaire agrémentent la fameuse soupe: anis étoilé, coriandre frais, cannelle et cardamome. Le tout noyé dans le cointreau et le gin. Les nouilles et le boeuf qui composent la soupe ont quant à eux été retirés de la liste des ingrédients...
Avec cérémonie, il fait passer le cocktail à travers une tour posée sur le bar, pour qu'il se charge des saveurs des herbes disposées aux divers étages.
Mais convaincre les Vietnamiens de s'intéresser à cet art n'a pas été chose aisée.
Dans ce pays de 93 millions d'habitants, dont plus de la moitié a moins de 30 ans, 3,4 milliards de litres de bière sont ingurgités chaque année, contre seulement 70 millions de litres de vin et autres spiritueux, selon les chiffres de 2015 du réseau d'affaires UE-Vietnam EVBN.
"J'ai eu un peu de mal à percer, à battre la bière ou l'alcool de riz. Mais nous visons un autre niveau, c'est quelque chose de plus luxueux et plus élégant", explique Pham Tien Tiep dans son bar du centre historique de Hanoï.
Mais à Hanoï, et surtout à Ho-Chi-Minh-ville (l'ancienne Saïgon, qui reste le poumon économique de ce pays en pleine croissance), les jeunes urbains éduqués ayant les moyens de s'offrir un cocktail digne des meilleurs bars de New York sont de plus en plus nombreux.
Et plusieurs bars de Saïgon copient désormais le cocktail pho, face à son succès.
Souvenir d'adolescence
Formé à l'hôtel de luxe Metropole, Pham Tien Tiep, qui a déjà participé à plusieurs concours internationaux de cocktails, a développé ce cocktail en se souvenant de l'époque où, adolescent pauvre, il travaillait dans un restaurant de nouilles.
"L'histoire de ma vie est liée aux restaurants de rue, parce que dans les moments difficiles, quand nous n'avions pas beaucoup d'argent, nous allions dans ces restaurants", raconte ce jeune trentenaire qui a ouvert son bar, Ne, l'an dernier.
Les échoppes de rue sont en effet une véritable institution populaire dans des pays d'Asie du Sud-Est comme le Vietnam ou la Thaïlande voisine. On y mange pour trois fois rien.
Au bar Ne, les cocktails coûtent en moyenne six euros, près de quinze fois plus cher qu'une bière dans un bar de rue. Le bar attire une clientèle d'habitués.
"Il y a plein de restaurants haut de gamme qui revisitent les plats des restaurants de rue. Le faire sous forme de cocktail, c'est une autre façon de les réinventer", explique Kien Phan, un homme d'affaires vietnamien attablé au bar.
Le pho est tendance aujourd'hui, avec des pizzas au pho, des burritos au pho et même de la glace au pho...
Et Tiep n'a pas l'intention de s'arrêter en si bon chemin: il travaille à un cocktail à base de cornichon mariné; et en sert un baptisé "Under the bridge" à base de sauce de poisson, ingrédient de base de la cuisine nationale.
"Avec les cocktails, on peut promouvoir la cuisine vietnamienne à travers le monde", se prend à rêver le barman du Ne, Nguyen Tuan Anh.
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