"C'est le calme avant la tempête", résume Lucas, un "brasseur militant" installé au cœur de la zone occupée, qui s'étend sur 1.650 hectares. Mais, "le stress commence à monter" car "on sait qu'ils vont mettre le paquet".
L'opération, prévue en début de semaine, doit mobiliser sur plusieurs jours vingt-cinq escadrons de gendarmerie mobile, soit environ 2.500 militaires. Elle prévoit d'expulser toutes les personnes qui n'ont pas régularisé leur situation, en déclarant par exemple de nouveaux projets agricoles individuels.
La quasi totalité des 250 zadistes estimés sur place ne l'ont pas fait, préférant une gestion collective du territoire et la possibilité de mener des projets non agricoles.
"Tous ceux qui ne s'inscrivent pas dans le cadre de la légalité devront quitter les terrains rapidement", a répété dimanche le Premier ministre, Édouard Philippe, dans une interview au Parisien.
De son côté, l'Acipa, la principale association d'opposants à l'ex-projet d'aéroport, a appelé l'État "à ne pas enclencher le processus des expulsions et de la violence" et à privilégier "le dialogue".
Si la ZAD n'est pas encore encerclée par les forces de l'ordre, plusieurs véhicules ont patrouillé discrètement tout le week-end dans les communes alentours, pour prévenir toute introduction de carburant, de matières dangereuses ou d'objets pouvant servir d'armes.
Des hélicoptères survolent également la zone, un scénario habituel depuis plusieurs semaines.
L'artère emblématique de la zone occupée, l'"ex-route des chicanes", déblayée de ses divers obstacles et remise en état après l'annonce de l'abandon de l'aéroport, restait cependant sous étroite surveillance et interdite à la circulation.
- "Revenir et reconstruire" -
En face, les occupants, eux, ont déjà prévenu: ils mèneront une "résistance physique et déterminée".
Difficile de savoir pour l'heure la forme qu'elle prendra mais "il y aura sûrement un jeu du chat et de la souris", anticipe un zadiste. Un autre évoque la préparation de cocktails molotov.
Deux grands rassemblements sont programmés dès 4H00 du matin lundi, suivis d'une répartition sur les différents points de blocage.
Barricades, sit-ins, ravitaillement en soins et en nourriture: "chacun trouvera sa manière de se joindre à la lutte", explique à l'AFP "Camille", le pseudo commun des occupants de la ZAD.
Des appels aux renforts ont été lancés... et entendus: un nombre plus important de voitures et d'occupants circulaient sur la zone dimanche. "Des gens sont arrivés de partout pour ne pas nous laisser seuls face à la police et les tractopelles", assure Camille.
A l'image de la vie quotidienne sur la ZAD, chaque quartier organisera sa résistance. "Il n'y a pas un général, ni un poste de commandement, c'est en autonomie", poursuit le zadiste.
Il rêve, comme beaucoup, d'une réédition du fiasco de l'"opération César", du nom de la précédente tentative d'évacuation massive du site, lancée à l'automne 2012 par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, ardent défenseur du projet d'aéroport.
"Ce n'est plus le même combat. Aujourd'hui, est-ce qu'on aura tous les soutiens?", nuance un autre zadiste, en référence aux tensions qui auraient cours entre occupants légitimistes et radicaux.
Des agriculteurs seront "sur place avec des tracteurs", annonce Vincent Delabouglise, membre de Copains 44, collectif d'organisations agricoles. "Le gouvernement vient mettre le feu sur un territoire où les choses commençaient à s'apaiser", soupire-t-il, disant "craindre le pire".
"Il y aura des personnes arrêtées, des habitats détruits. Mais la ZAD ne va pas être rasée. Les gens vont revenir et reconstruire", prévient Camille.
"Tout ça pourrait se discuter beaucoup plus tranquillement, il y a des gens qui veulent rester sur place (...)Pourquoi faire tout ça? Pourquoi cette bataille rangée?", s'est interrogé Jean-Luc Mélenchon, invité dimanche du Grand rendez-vous Europe 1/Les Echos/ CNews. "C'est vraiment de la gesticulation, c'est une diversion...", a estimé le leader de la France Insoumise, accusant le président de la République d'espérer "créer un incident là-bas", lui permettant de dire "+il y a des violences partout+... tout ça est grotesque".
Selon une source parlementaire de la majorité ayant requis l'anonymat et évoquant cette évacuation à venir, "ils (le gouvernement) sont sur l'option maximaliste".
En parallèle à leur action sur le terrain, les occupants mènent le combat sur le terrain juridique.
Dans une lettre adressée samedi à Édouard Philippe, leurs avocats ont dénoncé des procédures d'expulsions illégales car menées "au mépris des droits (...) garantis par le code des procédures civiles d'exécution et, plus généralement, de l'État de droit". En cas d'expulsion, ils ont annoncé leur intention d'engager des recours pour faire condamner l'État.
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