Un premier coup de théâtre pourrait avoir lieu dès mercredi à la Cour suprême.
L'un des 11 magistrats qui composent la plus haute juridiction du Brésil, Marco Aurelio Mello, doit soumettre au vote une mesure provisoire qui pourrait suspendre l'incarcération de toute personne ayant encore la possibilité de recours auprès d'une instance supérieure.
C'est le cas de Luiz Inacio Lula da Silva, 72 ans, condamné en appel à 12 ans et un mois de prison pour corruption et blanchiment fin janvier.
Mercredi, le dernier obstacle qui le séparait de la prison est tombé, quand cette même Cour suprême a rejeté par 6 voix contre 5 une demande d'"habeas corpus" qui lui aurait permis de rester en liberté quelques semaines, voire quelques mois de plus, le temps que d'autres recours soient jugés.
Mais ce résultat très serré, à l'image de la profonde division de la société brésilienne sur l'icône de la gauche, montre que le vent peut tourner à tout moment.
Nouvelles manifestations prévues
Au Brésil, Lula est vu par certains comme celui qui a permis de sortir des millions de personnes de la pauvreté lors de ses deux mandats (2003-2010), mais par d'autres comme l'un des plus grands voleurs de l'Histoire du pays, impliqué dans le vaste scandale de corruption autour de Petrobras.
"Que Lula reste un bon bout de temps ici, lui et sa clique, ils le méritent", a estimé Mauro Celli, chef d'entreprise de 49 ans, qui passait en vélo dimanche matin devant le siège de la police fédérale à Curitiba (sud), où l'ex-président a passé sa première nuit en prison.
Environ 150 militants pro-Lula se trouvaient également sur place, et 1.500 autres devaient arriver par bus dans la journée.
"Nous avons passé la nuit avec tous nos camarades qui font acte de résistance et de solidarité envers Lula", a affirmé à l'AFP Christopher Ferreira, un étudiant de 21 ans.
Le dispositif de sécurité sur place a été renforcé pour éviter que se reproduisent les débordements qui ont fait huit blessés samedi soir, au moment de l'arrivée de Lula à Curitiba.
Des manifestations de soutien sont prévues dans d'autres villes du pays, notamment à Rio de Janeiro et Sao Paulo.
Image de victime
Jeudi, le juge anticorruption Sergio Moro, ennemi intime de Lula, avait pris tout le monde de cours en émettant un mandat de dépôt à peine 12 heures après la décision de la Cour suprême, mais l'ex-président ne s'est finalement retrouvé derrière les barreaux que deux jours plus tard, à l'issue de péripéties mouvementées.
Dimanche, le journal Folha de Sao Paulo n'hésitait à comparer son parcours à la Passion du Christ: "le scénario a même été pourvu du rite qui lui manquait avec une messe en hommage à Marisa Leticia (son épouse décédée en février 2017), comme la dernière étape avant qu'il ne se livre aux autorités".
L'image de Lula fendant la foule porté sur le dos d'un militant à l'issue de cette messe au siège du syndicat des métallos de Bernardo do Campo, près de Sao Paulo, où il est resté retranché deux jours durant, a fait le tour du monde.
Lula a même fait un bref malaise par la suite, étouffé par la chaleur, peut-être aussi par l'émotion.
"L'ex-président, connu pour son sens politique, n'allait pas laisser passer cette opportunité de renforcer cette image de victime qu'il cultive", soulignait dimanche le journal O Globo dans un éditorial.
Dans un long discours de près d'une heure, il s'est dit une nouvelle fois victime d'un complot des élites et de la presse pour l'empêcher de se présenter à un troisième mandat.
"Je suis un citoyen outré (...), je ne pardonne pas que l'on dise au pays que je suis un voleur", a-t-il scandé, sous les vivats de militants pour la plupart vêtus de rouge, avec des tee-shirts à son effigie.
Et quand il pensait finalement se présenter aux autorités, certains de ces militants ont bloqué la sortie de son véhicule, l'obligeant à retourner à l'intérieur, retardant encore plus son séjour en prison, qui pourrait donc être rapidement abrégé si ses avocats obtiennent gain de cause.
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