En vertu du code pénal espagnol, la rébellion implique un "soulèvement violent et public" en vue de suspendre ou de modifier la Constitution, de renverser le roi, d'empêcher des élections, de dissoudre le parlement, de renverser le conseil des ministres, un gouvernement régional, de soulever une partie de l'armée... ou de proclamer l'indépendance.
Une centaine de professeurs de droit pénal ont signé dès l'automne en Espagne un manifeste dans lequel ils considéraient que l'accusation de "rébellion" ne pouvait être retenue contre les indépendantistes catalans qui ont tenté de faire sécession en octobre 2017, même si la proclamation d'une "république" indépendante mort-née a entraîné une crise sans précédent dans l'histoire de ce pays depuis son retour à la démocratie en 1977.
Selon eux, il n'y a pas eu de "soulèvement violent" et donc pas de "rébellion".
La justice allemande a à cet égard abondé dans leur sens en rejetant jeudi l'accusation de "rébellion" portée par les autorités espagnoles au motif qu'elle supposerait que Carles Puigdemont, sorti vendredi de la prison où il avait été incarcéré après son arrestation en Allemagne, se soit directement rendu coupable de faits de violence ou que l'ampleur des violences ait contraint l'Etat espagnol "à céder".
Le juge de la Cour suprême espagnole Pablo Llarena qui a inculpé les 13 sécessionnistes estime, quant à lui, que ce soulèvement est bien avéré.
Le magistrat évoque dans son dernier arrêt deux épisodes en particulier : une manifestation ayant encerclé un bâtiment où la garde civile menait des perquisitions, à Barcelone le 20 septembre, quand des voitures de la garde civile avaient été endommagées et des agents empêchés de sortir pendant plusieurs heures. La manifestation n'avait pas fait de blessés.
Il évoque aussi la résistance des indépendantistes ayant fait barrage de leur corps pour empêcher la police de saisir les urnes du référendum d'autodétermination interdit, le 1er octobre 2017. Des policiers avaient été blessées.
Mais cette journée avait surtout été émaillée de violences policières ayant fait des dizaines de blessés civils.
Pour le juge Llarena, c'était une résistance orchestrée par les dirigeants indépendantistes qui savaient qu'elle pourrait entraîner des dérapages.
"Coup d'Etat"
Une source judiciaire proche du juge affirme aussi que le processus indépendandiste a constitué "un coup d'Etat encore plus grave que celui de Tejero", le militaire qui a tenté de faire tomber la démocratie en 1981.
En revanche, pour des avocats comme Xabier Etxebarria, un professeur de droit pénal au Pays basque interrogé par l'AFP, ces actions relèvent de "la désobéissance grave", mais pas de la "rébellion".
Le professeur de droit Xavier Arbos souligne en outre que la responsabilité personnelle des différents inculpés n'a pas été détaillée.
L'association "Juges pour la démocratie" (gauche) s'est, pour sa part, inquiétée d'une interprétation aussi large du concept de "rébellion", menaçant notamment le droit de manifester, selon son porte-parole Ignacio Gonzalez Vera.
En février, Amnesty international avait dénoncé la détention provisoire depuis la mi-octobre de Jordi Sanchez et Jordi Cuixart qui sont désormais poursuivis pour "rébellion" et ont été maintenus en détention. Selon Amnesty, leur détention "constitue une restriction excessive et disproportionnée de leur droit à la liberté d'expression".
Quant aux indépendantistes, ils affirment que leur mouvement est et restera pacifique. En octobre, ils distribuaient à leurs partisans des manuels de résistance passive.
Les conservateurs au pouvoir estiment cependant qu'il n'y en a pas d'autre réponse possible que celles de la justice, face à des politiques catalans qui ont ignoré les lois de manière répétée.
La première formation d'opposition, le Parti socialiste, prône une révision de la Constitution permettant d'aller vers d'avantage de fédéralisme.
Et Podemos - gauche radicale - dénonce la "répression" dont font l'objet les indépendantistes, se prononçant pour une Espagne de "nations" et un dialogue que la justice ne peut favoriser.
David Kaye, un expert indépendant travaillant pour les Nations unies sur la liberté d'expression, a aussi appelé vendredi à "ne pas maintenir les charges de rébellion" et à privilégier "des instruments de dialogue et de réconciliation".
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