L'application aux 200 millions d'utilisateurs dans le monde est connue pour offrir une confidentialité élevée et se trouve engagée dans un bras de fer depuis plusieurs mois avec les autorités russes, qui exercent une pression croissante sur internet ces dernières années.
Hors de Russie, la messagerie fondée par Pavel Dourov, l'enfant terrible de l'internet russe qui a défié à plusieurs reprises les autorités, se trouve régulièrement critiquée dans plusieurs pays pour son utilisation à des fins politiques, en Iran notamment, mais aussi par les jihadistes du groupe Etat islamique pour préparer des attentats.
Dans un communiqué, l'agence de régulation Roskomnadzor a indiqué avoir lancé une procédure auprès d'un tribunal de Moscou pour demander de "limiter l'accès" à Telegram.
Le 20 mars, cette autorité avait donné 15 jours à Telegram pour fournir ses clés de cryptage.
"Les menaces de bloquer Telegram s'il ne fournit pas les données personnelles de ses utilisateurs n'auront pas de résultats. Telegram défendra la liberté et la confidentialité", avait alors réagi sur Twitter Pavel Dourov.
Sur son compte Telegram, l'avocat de la messagerie, Pavel Tchikov, a assuré vendredi que sa position restait "inchangée: les exigences du FSB de lui fournir l'accès aux correspondances privées des utilisateurs sont anticonstitutionnelles, ne sont pas fondées légalement et sont inapplicables techniquement et juridiquement".
La société a expliqué à plusieurs reprises qu'elle ne pouvait pas fournir les clés de cryptage en raison de la complexité de son fonctionnement: elle n'a elle-même pas accès à certaines conversations "secrètes", tandis que dans d'autres cas ces clés changent régulièrement.
- "La loi, c'est la loi" -
Depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin, plusieurs lois ont été prises pour mettre sous contrôle internet, au nom de la lutte contre l'extrémisme ou le terrorisme. Mais les organisations de défense des droits de l'Homme en ont dénoncé une utilisation à des fins politiques, pour faire taire les critiques du pouvoir, d'autant que l'opposition, ignorée des télévisions fédérales, se montre très active sur les réseaux sociaux.
Si Telegram était bloquée, elle rejoindrait ainsi le réseau social professionnel LinkedIn, inaccessible en Russie depuis fin 2016 pour ne pas avoir appliqué une loi récente imposant le stockage des données personnelles sur le territoire russe.
Fondée en 2013 par Pavel Dourov, le créateur du plus populaire des réseaux sociaux en Russie VKontakte, et son frère Nikolaï, Telegram a profité des débats de ces dernières années sur la protection de la vie privée lors de l'utilisation des nouvelles technologies.
Ses "chaînes" qui permettent à un utilisateur de diffuser des messages à un grand nombre d'abonnés sont prisées des médias mais aussi des administrations russes pour leur communication, y compris le Kremlin.
"Ce sera dommage si un consensus n'est pas trouvé, pour l'instant ce n'est pas le cas, d'après ce que nous comprenons", a reconnu le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov lors d'un briefing, qualifiant la messagerie de "pratique".
"Mais la loi, c'est la loi. Si elle n'est pas appliquée et les mesures correspondantes sont appliquées, nous chercherons d'autres solutions", a-t-il ajouté, assurant qu'il existait "de nombreuses messageries".
Mi-octobre, la justice russe avait condamné Telegram à une amende de 800.000 roubles (18.000 euros) pour avoir refusé de coopérer avec le FSB.
M. Dourov, qui a quitté la Russie en 2014 en invoquant des tensions avec les autorités, avait alors dénoncé une violation, selon lui, de la Constitution russe qui protège le droit au secret de la correspondance.
La messagerie avait déjà échappé à un blocage en juin après avoir accepté de fournir au régulateur russe des informations pour être intégrée au registre des diffuseurs d'information, ce qu'elle refusait auparavant.
Telegram est aussi régulièrement utilisée par le groupe Etat islamique, via son organe de propagande Amaq, pour revendiquer des attentats. Elle a aussi été montrée du doigt pour avoir servi à des membres de l'organisation jihadiste pour organiser des actes terroristes.
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