Devant une salle comble, trois de ces cinq hommes ont pris place dans le box des prévenus: Hamza Mosli, Adil Barki et Ali Abdoumi, tous bruns aux cheveux courts.
Deux autres comparaissent libres, sous contrôle judiciaire: Jawad S., jean et sweat à capuche, et Saad B., coiffure étudiée et boucle d'oreille.
Une vingtaine de jeunes sur quelque 26.000 habitants: à l'échelle de cette ville, il s'agit de l'une des plus importantes vagues de départs de France. De quoi faire de Lunel un symbole de l'ampleur du phénomène jihadiste jusque dans de petites villes françaises.
Evoquant un nombre de départs "en disproportion" avec la taille de Lunel, la présidente a affirmé que le tribunal "n'a pas la prétention de comprendre nécessairement ce qui s'est passé". "Mais l'idée, c'est de comprendre s'il y avait un terrain favorable", a-t-elle ajouté.
Les "enfants perdus" de Lunel, partis en Syrie en famille ou entre amis, avaient d'abord rejoint le Jaysh Mohamed ("l'armée de Mahomet"), un groupe armé proche du Front Al-Nosra, alors allié à Al-Qaïda. Puis l'organisation Etat islamique (EI).
La plupart de ces jeunes nourris de propagande étaient amis de longue date, fréquentaient ensemble la mosquée de la ville, des réunions sur la religion ou le snack "Le Bahut" tenu par Abdelkarim, le premier à avoir pris la route du jihad.
Quinze ne sont jamais rentrés et font toujours l'objet de mandats d'arrêt. Ils sont présumés morts en Syrie pour au moins huit d'entre eux, toujours en vie là-bas pour les autres.
Âgés de 29 à 47 ans, les cinq prévenus, jugés pour association de malfaiteurs terroriste, avaient été interpellés fin janvier 2015.
Deux d'entre eux sont accusés d'être partis en Syrie: Adil Barki et Ali Abdoumi. Barki, 39 ans, n'avait passé que quelques semaines au Jaysh Mohamed, où il aurait été cantonné aux tâches ménagères en raison de violentes crises de panique. Abdoumi, qui à 47 ans fait figure d'ancien et se dit non musulman, a nié pendant l'enquête être parti pour la Syrie.
"Emulation jihadiste"
Les trois autres prévenus, Hamza Mosli, lui aussi détenu, et Jawad S. et Saad B. (sous contrôle judiciaire), n'ont pas quitté Lunel.
Mosli, dont deux frères ont été tués en Syrie, est considéré par l'accusation comme "un personnage central" dans le groupe, soupçonné d'avoir joué un rôle de relais avec la Syrie. Devant les enquêteurs, il a contesté toute activité de recruteur.
Jawad S. est accusé d'avoir incité au jihad en animant des "assises religieuses" en ville.
Quant à Saad B., dont le frère Abdelkarim a lui aussi été tué, il est soupçonné d'avoir convoyé sa belle-soeur à l'aéroport et de lui avoir transmis 190 euros - il sera aussi jugé pour financement du terrorisme, comme Mosli.
Le groupe de Lunel "a créé les conditions d'une émulation jihadiste collective", selon les juges qui ont instruit l'affaire.
Il régnait en ville à l'époque "une ambiance un peu jihad", une surenchère entre jeunes, "à celui qui ne parle que de ça", avait rapporté Jawad S. aux enquêteurs. "Lunel, c'est la ville de France la mieux représentée au sein de l'Etat islamique!", se réjouissait Mosli, placé sur écoute, fin 2014.
Les quinze Lunellois recherchés font toujours l'objet d'une enquête pour des faits passibles de la cour d'assises, selon une source judiciaire.
Cette enquête est centrée sur l'un des principaux recruteurs français, Mourad Fares, dont le lien avec Lunel est toutefois ténu -- par le biais de contacts d'un de ses proches avec Hamza Mosli. Il est mis en examen et écroué dans cette procédure.
Le procès est prévu jusqu'au mercredi 11.
A LIRE AUSSI.
Dix ans de prison pour être parti faire le jihad avec sa fille de 18 mois
Au procès de Jawad Bendaoud, les avocats demandent la relaxe
A Bobigny, Jawad Bendaoud écope de huit mois de prison et d'une garde à vue
Allemagne: procès d'un Syrien accusé d'être un éclaireur de l'EI
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.