L'usage de balles réelles par l'armée israélienne est au coeur des interrogations de la communauté internationale et des organisations de défense des droits de l'Homme.
Vendredi a été la journée la plus meurtrière dans la bande de Gaza depuis la guerre de 2014: 16 Palestiniens ont été tués et plus de 1.400 blessés, dont 758 par des tirs à balles réelles, selon le ministère de la Santé dans l'enclave.
Les Palestiniens accusent les soldats israéliens d'avoir tiré sur des manifestants qui ne représentaient aucun danger immédiat.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, ainsi que la représentante de la diplomatie européenne Federica Mogherini, ont réclamé une "enquête indépendante" sur l'usage par Israël de balles réelles, une demande rejetée par l'Etat hébreu.
Les Etats-Unis ont en revanche bloqué samedi soir un projet de déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU appelant "toutes les parties à la retenue et à prévenir toute escalade supplémentaire" et demandant une enquête sur les affrontements.
De son côté, le ministre de la Défense israélien Avigdor Lieberman a qualifié d'"hypocrites" les appels à ouvrir une enquête.
"Il n'y aura pas de commission d'enquête", a-t-il déclaré à la radio publique israélienne. "Il n'y aura rien de tel ici, nous ne coopérerons avec aucune commission d'enquête".
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a également rejeté toutes les critiques, félicitant même l'armée.
Il a dénoncé dimanche les "leçons de morale" du président turc Recep Tayyip Erdogan qui avait accusé la veille Israël d'avoir commis une "attaque inhumaine".
"L'armée la plus éthique du monde n'a pas de leçons de morale à recevoir de la part de celui qui bombarde des civils sans discernement depuis des années", a-t-il écrit sur son compte Twitter.
"Hé Netanyahu! Tu es un occupant! (...) En même temps, tu es un terroriste", a riposté dans la foulée le président turc.
Usage disproportionné ?
Vendredi, des dizaines de milliers de Palestiniens avaient afflué vers la barrière séparant Israël de la bande de Gaza, au premier jour de "la marche du retour".
Cette protestation, censée durer six semaines, vise à réclamer "le droit au retour" des Palestiniens qui, par centaines de milliers, ont été chassés de leurs terres ou ont fui lors de la guerre ayant suivi la création d'Israël en 1948.
L'armée israélienne a ouvert le feu sur les manifestants qui s'étaient approchés à quelques centaines de mètres de la clôture ultra-sécurisée.
Israël a défendu son armée qui, selon elle, a tiré contre ceux qui jetaient des pierres et des cocktails Molotov sur les soldats, ou tentaient d'endommager la clôture et de s'infiltrer en Israël.
L'armée a de son côté assuré samedi soir que dix des Palestiniens tués avaient des "passés terroristes" au sein du Hamas et d'autres groupes.
Mais des organisations de défense des droits de l'Homme se sont interrogées sur la réaction disproportionnée des forces de sécurité israéliennes.
"Alors que certains manifestants palestiniens ont jeté des pierres et d'autres objets vers la barrière, il est difficile de croire qu'il s'agit d'une menace imminente pour la vie de soldats bien équipés et protégés par des tireurs d'élite, des tanks et des drones", affirme Amnesty dans un communiqué.
"Gâchette facile"
En Israël, quelque 200 à 300 manifestants d'opposition de gauche se sont réunis dimanche soir à Tel-Aviv devant le siège du Likoud, le parti de M. Netanyahu, pour dénoncer la responsabilité du gouvernement dans le lourd bilan de vendredi, ont indiqué les médias et les organisateurs.
"Le gouvernement fait tout pour présenter les Palestiniens comme les seuls coupables, alors qu'il a une part importante de responsabilité dans ce qui s'est passé", a affirmé à l'AFP Hagit Ofran, une responsable de la Paix Maintenant, ONG opposée à l'occupation des territoires palestiniens. Dans un communiqué l'organisation a dénoncé la politique de la "gâchette facile" suivie par l'armée sous les ordres du gouvernement.
Des dizaines de milliers de Gazaouis ont pris part samedi aux funérailles des manifestants tués la veille, mais les manifestations le long de la barrière ont largement diminué.
Dimanche, seuls quelques dizaines de manifestants y sont retournés pour poursuivre la "marche du retour".
Cette protestation intervient dans une période à risques, les Etats-Unis prévoyant d'inaugurer leur ambassade à Jérusalem, autour du 14 mai.
La reconnaissance par le président américain Donald Trump de Jérusalem comme capitale d'Israël a ulcéré les Palestiniens, qui y voient la négation de leur revendication sur la partie orientale de la Ville sainte, annexée et occupée par Israël.
La désespérance dans la bande de Gaza, éprouvée par les guerres, la réclusion, la pauvreté et les pénuries, ajoute à la volatilité ambiante.
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