Pas de fenêtre dans les bureaux, des dossiers qui s'entassent, la lumière qui s'allume une fois sur deux et surtout un manque d'effectifs. Au Tribunal de grande instance de Rouen (TGI) (Seine-Maritime), avocats, greffiers et magistrats détaillent les problèmes rencontrés au quotidien, salle après salle, vendredi 30 mars 2018. Derrière eux, une dizaine d'élus locaux les écoutent.
"Les effectifs baissent et il y a énormément de postes vacants, il n'y a pas assez de recrutements et rien n'est prévu pour améliorer ça et en plus, il y a un manque de moyens financiers, témoigne Aube Grandfond, greffier et représentante syndicale pour la CGT des services judiciaires. Ça occasionne une vraie souffrance de pas pouvoir rendre nos jugements et renseigner le public avec qualité."
Divorce : "il faut attendre un an avoir d'avoir une décision"
Ce manque de moyens humains et financiers a des conséquences concrètes sur les conditions de travail et sur le rendu de la justice. "À l'heure actuelle, dans certains tribunaux, les personnes qui sont détenues ont une chance sur trois d'être mises en liberté sans être jugées uniquement parce qu'il n'y a pas d'escorte pour les amener au tribunal, explique Mariette Vinas, vice-présidente du tribunal de grande instance et déléguée régionale de l'Union syndicale des magistrats. C'est le cas par exemple à Évreux avec les comparutions immédiates le lundi où il y a 30 % d'inexécution."
Et ce n'est pas le seul exemple, comme le démontre Marie Savoye, avocate au barreau de Rouen : "Si vous vous séparez de votre conjoint et que vous avez besoin d'un juge pour qu'il rende une décision pour vous permettre de voir vos enfants ou de toucher une pension, globalement actuellement il faut attendre un an avant d'avoir une décision. Cela veut dire : des parents qui ne voient pas leurs enfants pendant un an et des parents qui ne perçoivent pas de pension pendant un an. Tout ça induit beaucoup de violences."
37e budget européen
Salle après salle, les élus écoutent attentivement les professionnels de la justice s'exprimer, posent des questions, s'étonnent parfois de la situation. "L'idée de cette visite, c'est d'attirer l'attention des élus sur les conditions de travail des fonctionnaires, sur la façon dont la justice est rendue, sur la façon dont on traite les justiciables avec un budget ridicule, classé derrière l'Azerbaïdjan, en 37e position sur 43 pays européens", indique Maître Savoye.
Le monde de la justice a besoin de changement mais pas de celui proposé par le gouvernement selon les avocats, greffiers et magistrats mobilisés. "On nous propose une réforme sans moyens nouveaux, qui aura vocation principalement, même si ce n'est pas dit, à faire en sorte que les justiciables ne saisissent plus la justice et que leurs litiges ne soient plus réglés," poursuit l'avocate.
• Lire aussi : Seine-Maritime : les avocats mobilisés contre la réforme de la justice
Parmi les élus présents à la visite, Sira Sylla, députée La République en Marche ! de Seine-Maritime et avocate. Par son expérience professionnelle, elle connaissait déjà les problèmes rencontrés par le milieu judiciaire et assure que des ajustements seront apportés au texte : "La réforme n'a pas encore été présentée en conseil des ministres, elle le sera mi-avril. Moi, je ne suis pas d'accord sur tout. Il faut, par exemple, vraiment faire attention à la question des compétences." L'avocate et députée de la majorité souhaite se faire entendre : "On nous dit que les députés En Marche ne peuvent rien dire, en tout cas moi, je ferai valoir ma position."
Christophe Bouillon, député du Parti socialiste en Seine-Maritime, faisait aussi partie de la visite. "La réforme et les mesures qui sont proposées aujourd'hui risquent de pénaliser grandement Rouen et un ensemble de justiciables, de citoyens qui risquent, demain, d'avoir des procédures plus longues. On fait mine, sous couvert de simplification et de numérisation, d'améliorer les choses. C'est le pire qui risque d'arriver, notamment vis-à-vis des publics les plus fragiles, déclare-t-il. Beaucoup de justiciables risquent d'être exclus du système judiciaire."
De nouvelles mobilisations sont prévues les 5 et 11 avril 2018.
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