A Bordeaux, environ 200 avocats, greffiers et magistrats se sont rassemblés sur les marches du tribunal de grande instance (TGI) avant de déposer une gerbe et de respecter une minute de silence en hommage à "cette justice morte qu'on veut nous imposer". "Le sens caché de ces textes, c'est qu'aujourd'hui on ne veut plus du juge, le juge embête le pouvoir", a lancé le bâtonnier Jérôme Dirou.
Minute de silence également à Besançon (Doubs) et à Marseille. A Lyon, où environ 400 professionnels de la justice étaient rassemblés, des codes Dalloz ont été symboliquement entassés au sol.
A Nantes, les manifestants arborant un masque blanc sont partis en procession funéraire du tribunal jusqu'à une passerelle enjambant la Loire, d'où ils ont jeté une couronne mortuaire barrée du message "Justice morte par ordonnance".
A Paris, une centaine de manifestants s'étaient réunis sur les marches du Palais de justice derrière deux couronnes mortuaires. Ils ont scandé "non" à l'énoncé de plusieurs points de la réforme : "Non à une organisation judiciaire illisible et éloignée des justiciables", "non à la régression des droits de la défense". "Ce qu'il nous faut, c'est des euros pas des robots", ont scandé les manifestants.
Le projet de loi de programmation de la justice de la garde des Sceaux Nicole Belloubet devrait être présenté en Conseil des ministres le 18 avril. Il couvre un champ très large: procédure pénale, procédure civile, numérisation de la justice, réforme des peines et de l'organisation territoriale.
"Textes de technocrates"
Ce projet annonce "sans surprise la mort de la justice, au terme d'une longue maladie", dénoncent dans un communiqué l'Union syndicale des magistrats (USM), le Syndicat de la magistrature (SM), le Syndicat des avocats de France (SAF) ainsi que la CGT Chancelleries et services judiciaires et d'autres syndicats.
Les organisations mobilisées ont dressé une liste de leurs principaux griefs contre cette réforme: "Suppression des 307 tribunaux d'instance et de la fonction spécialisée de juge d'instance, organisation judiciaire illisible et éloignée du citoyen, déshumanisation de la justice, privatisation du contentieux civil".
Ils dénoncent aussi une "régression des droits de la défense, (un) recul du contrôle de la justice sur les atteintes aux libertés publiques, (une) suppression larvée du juge d'instruction et du juge de l'application des peines, (une) réduction de la collégialité".
A Lyon, le délégué régional de l'USM Michel Ponsard a estimé que cette réforme était constituée de "textes de technocrates dictés par des raisons financières". "On n'a absolument pas tenu compte des réponses" apportées lors des Chantiers de la Justice (lancés en octobre par le gouvernement), qui étaient "une consultation de façade", a-t-il dénoncé.
"Nous nous inquiétons de la disparition des tribunaux d'instance", a dit, devant le Palais de justice de Paris, Catherine Sarrazin, greffière au tribunal de Juvisy (Essonne). "Nous allons être dispatchés dans différents TGI, dispersés comme des pions. (...) Ce sera la fin d'une justice de proximité, de contact pour le justiciable", a-t-elle ajouté.
Joris Monin de Flaugergues, de la Conférences des avocats, s'inquiète notamment d'une "extension considérable des pouvoirs du parquet, qui prive du recours à un juge d'instruction". Cette réforme, "c'est de facto la fin du juge d'instruction", a-t-il poursuivi.
Les avocats s'étaient déjà mobilisés contre la réforme le 21 mars, à l'appel notamment du Conseil national des barreaux. La mobilisation avait été importante et de nombreuses audiences perturbées. Depuis, à Orléans, la plupart des audiences sont renvoyées. Une deuxième journée "justice morte", avec un rassemblement national à Paris, est d'ores et déjà annoncée pour le 11 avril.
burs-ctx/jt/fm
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